La création de l’UA et de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (l’APSA) a entraîné celle d’un certain nombre d’instances qui forment l’ossature institutionnelle des activités et des interventions de l’UA et des CER (Communautés Economiques Régionales) au quotidien dans le domaine de la paix et de la sécurité en Afrique. L’APSA est diverse sur le plan institutionnel et loin d’être statique.
Cette dernière et ses institutions, tout en s’appuyant sur les expériences de certaines CER et de structures analogues au sein de celles-ci, fonctionnent comme une plate-forme de coopération et de coordination. Cette plate-forme se compose de plusieurs éléments notamment le Conseil de paix et de sécurité (CPS). En effet, l’une des principales responsabilités du CPS est de délibérer sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement et de prononcer d’éventuelles sanctions lorsque des coups d’État sont perpétrés. Qu’en est-il du cas paradoxal du Tchad ?
À la suite de la mort tragique de l’ancien maréchal du Tchad en avril 2021 et de la prise de pouvoir par le CMT, le CPS a décidé de dépêcher une mission d’enquête à Ndjamena pour évaluer la situation sur le terrain et faire dans la foulée la lumière sur les circonstances de la mort de l’ancien Président Déby. Il faut rappeler que la prise de pouvoir du CMT s’est faite en violation flagrante de l’article 81 de la Constitution tchadienne. Cet article prévoit qu’en cas de décès du chef de l’État, l’intérim est assuré par le président de l’Assemblée nationale et que des élections doivent avoir lieu dans les 45 à 90 jours qui suivent la vacance du poste.
Ce procédé constitutionnel n’ayant pas été respecté, il est clair que l’action du CMT constitue bien une opération de changement anticonstitutionnel de gouvernement. Le CPS a pourtant reconnu que la prise de pouvoir du CMT était bel et bien anticonstitutionnelle, évoquant ses textes pertinents à cet égard. Le Conseil n’a cependant pas mis en œuvre les conséquences logiques de ce constat, qui aurait dû aboutir à la suspension pure et simple du Tchad des activités de l’UA ou à imposer un délai strict à la junte pour céder le pouvoir.
Au contraire, le conseil a approuvé le plan de la transition de la junte évoquant des motifs d’ordre sécuritaire. Ainsi, il affirme que « le Tchad a été à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Il souligne également que le pays constitue, de par sa position géographique, une barrière naturelle qui, si elle venait à céder, exposerait davantage l’Afrique de l’Ouest, voire l’Afrique centrale, au chaos émanant de la Libye ». Note-il. On peut donc en conclure que la sécurité du Tchad et de la sous-région a primé sur le respect du principe du rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement. Même si, celui-ci a déclaré qu’une prolongation de la période de transition ne serait pas acceptée, et que les membres du CMT ne seraient pas autorisés à se présenter aux élections post-transition.
Toutefois, tout indique que les membres du CMT ne respecteraient pas les résolutions du conseil. Il suffit d’évaluer le chemin parcouru. Parmi les résolutions de ce dernier, il était question entre autres de la révision de la charte. Ce qui n’a pas été fait. En ce qui concerne la prolongation de la période de transition et la non éligibilité des membres du CMT aux élections post-transition, on espère se tromper mais rien de tout cela ne serait respecté. En outre, le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, par ailleurs président en exercice de l’Union Africaine, lors de sa visite au Tchad, s’est contenté tout simplement de saluer notamment le progrès enregistré dans le processus politique. Il s’est « naturellement » pas prononcé sur la durée de la transition.
« En ma qualité de président en exercice de l’Union Africaine, il était de mon devoir de venir à N'Djamena pour m’entretenir avec le président Mahamad Idriss Deby Itno et recueillir vos analyses. Je vous encourage dans vos choix pour la paix et le développement. Notre ennemi à tous, c’est le terrorisme pour lequel le Tchad, continue de payer un lourd tribut non seulement par les attaques qu’il subit, mais aussi par sa contribution énorme aux efforts de lutte contre ce fléau au-delà des frontières. C’est l’occasion de rendre hommage à l’armée tchadienne pour sa bravoure, sa combativité et son sens du sacrifice. Et votre pays, Mr le président, vous pouvez en être fier, a beaucoup apporté dans cette direction. Vous devez donc être accompagnés en termes de ressources, pour mieux faire face » a-t-il affirmé.
Il convient de souligner qu’après le décès du maréchal, le CMT a eu la « sagesse » de tendre la main aux politico-militaires au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Ces derniers ont accepté pour le « salut » du peuple Tchadien et entamer les négociations. C’est ainsi que le pré-dialogue a duré environ quatre (04) mois aboutissant à un accord « partiel », appelé aussi « accord de Doha ».
En effet, certains groupes de politico-militaires n'ont pas signé cet accord jugeant que leurs conditions n’ont pas été respectées. Il s’agit notamment de la non éligibilité des membres du CMT aux futures élections. Mais, les signataires de l’accord de Doha sont rentrés au pays pour assister au Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS). Il faut signaler que certains partis politiques, mouvements de la société civile comme les transformateurs, la plateforme wakit tamma, n'ont pas accepté non plus de prendre part aux assises affirmant que le dialogue n’est pas « inclusif ». Mais, concernant la plateforme Wakit Tamma, elle ne fait pas l’unanimité relativement à la participation au DNIS.
Après quelques jours de travaux, un règlement intérieur a été adopté par « consensus » et le présidium mis en place le dimanche 28 août 2022 « par la plénière ». Cependant, la liste des membres de cet organe a été contestée illico. La tension était palpable dans la salle. Certains responsables politiques, associations de la société… disent dorénavant « quitter » le dialogue. « Nous n’allons jamais accepter à ce que ce dialogue soit un folklore ». Baba Ahmat Baba porte-parole de la plateforme « alternance 21 ». « Nous sommes d'accord avec tous ceux qui ont boycotté le dialogue. Les Transformateurs, Wakit Tamma, les politico-militaires qui n'ont pas voulu venir. Nous leur donnons raison. Nous leur disons que nous sommes désormais avec eux. Nous allons agir ensemble pour bâtir ce Tchad nouveau. Nous sommes vraiment aujourd'hui très fâchés », a affirmé Siddikh Abdelkerim Haggar président du Comité d'harmonisation (certains partis politique se « désolidarisent » de cette déclaration).
Par ailleurs, le président du Présidium du dialogue national, Gali Ngothé Gatta, a annoncé ce mardi 6 septembre 2022 l'adoption de l'agenda des travaux par « consensus » de la plénière. Il s’agit de discuter sur plusieurs axes comme : les Droits et les Libertés fondamentales, les Politiques Publiques Sectorielles pratiquées et/ou proclamées depuis la fin de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) de 1993 à nos jours en lien notamment avec les Droits Fondamentaux à garantir aux citoyens en termes de services sociaux de base et de bonne gouvernance, la question de l’inéligibilités ou l’éligibilités des autorités de la Transition post- DNIS.
Alors les questions qu’il convient de se poser sont entre autres : le présidium peut-il convaincre tous les acteurs réticents? Les revendications de ces derniers ne sont-elles pas légitimes ? Dans le climat actuel du DNIS, quelle serait la fiabilité de celui-ci? L’Union africaine va –t-elle accepter que la durée de la transition soit prolongée ? Accessoirement, acceptera –t- elle que les membres du CMT se représentent aux élections post-transition ?
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