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Qu'est-ce que le crime environnemental?


La dernière décennie du XXe siècle fut marquée par « l’apparition de préoccupations environnementales dans tous les grands instruments internationaux de portée générale, en particulier ceux qui ont trait à différentes formes de coopération économique »[1]. Aujourd’hui, la communauté internationale a pris la mesure de la protection de l’intégrité des écosystèmes et du maintien d’un environnement sain indispensables à la survie de l’humanité[2].

Pour preuve, la Commission du droit international (CDI) a décidé en 2013 d’inscrire le sujet « Protection de l’atmosphère » à son programme de travail[3]. Elle y formule de plus un projet de directive faisant obligation aux États de protéger l’atmosphère en tant que « patrimoine commun »[4]. Cette prise de conscience s’est également concrétisée dans la sphère nationale par l’adoption de législations réprimant les atteintes graves à l’environnement. Si l’intention est louable, la faiblesse des sanctions retenues, conjuguée à la complexité des crimes environnementaux révèle l’incapacité des systèmes nationaux à mettre un terme aux dégradations généralisées des écosystèmes.

Nous assistons de plus en plus, à une multiplication des dommages environnementaux. Qu’ils soient le produit d’actes délibérés ou le résultat d’actes de négligence, ces dommages comportent des conséquences comparables, voire parfois davantage dramatiques, durables et traumatisantes pour les victimes, que celles attribuées aux traditionnels crimes contre la personne. Il s’agit en l’occurrence du crime environnemental ou de la criminalité environnementale.

Pourtant, les législateurs et les criminologues commencent à peine à se pencher sur la notion de criminalité environnementale. Dans l’opinion générale, la pollution reste encore considérée comme un sous-produit inévitablement lié au développement économique et industriel des nations. Les désastres environnementaux, qui sont pourtant souvent la conséquence directe des politiques de développement et de gestion du territoire, font ainsi partie des risques de la modernité tardive, qui peuvent être gérés, réduits, compensés, assurés, mais qui sont tout aussi inéluctables[5].

La notion de criminalité environnementale se retrouve prise en étau entre les manœuvres de rationalisation orchestrées par certains acteurs économiques faisant entendre que les activités à haut risque d’atteinte à l’environnement ne doivent pas être criminalisées, dans la mesure où elles visent à procurer la prospérité économique et un certain scepticisme de la part du public, relié à l’identification des véritables contrevenants ainsi qu’à la difficile distinction des victimes et des responsables dans un contexte où la pollution émane de tous et nous affecte tous. La criminologie verte étudie donc les relations entre les préjudices environnementaux et les problèmes sociaux en identifiant les victimes et les responsables et en assurant le développement de la justice environnementale[6].

Celle-ci est sans doute jeune. Elle n’en a pas moins acquis une maturité juridique certaine. Les facteurs en sont principalement à rechercher dans sa filiation d’avec la notion de criminalité, ancienne et bien connue du droit. Elle en constitue seulement une nouvelle composante, une composante environnementale, en ce qu’elle comporte un effet dommageable sur l’environnement, ce dernier étant pris dans son acception classique et indubitablement vaste. La criminalité environnementale est très largement liée aux formes de criminalités organisées plus anciennes et traditionnelles qu’est le trafic de drogues par exemple ; elle en constitue bien souvent un prolongement[7].

La criminalité environnementale se définit schématiquement comme une infraction pénale à la législation de protection de l’environnement, c’est-à-dire une activité pénalement prohibée, notamment constitutive d’un commerce illégal d’animaux ou d’espèces en danger, d’une pêche illégale, d’une exploitation illégale des forêts, de commerce illégal de matières précieuses ou de matières appauvrissant la couche d’ozone ainsi qu’une pollution illicite par déchets ou un trafic de déchets dangereux .

Le crime environnemental (ou crime contre l'environnement ou crime écologique parfois aussi dénommé écocide) est une notion juridique récente qui, même si elle ne possède pas de définition faisant l'unanimité, est reconnue par la majorité des pays. On parle aussi d'éco-mafia pour désigner les auteurs de ces crimes quand leurs méthodes sont celles du crime organisé[8] .

Comme son nom l'indique, cette notion regroupe les incriminations incluses dans le droit de l'environnement et renvoie donc à ce droit de l'environnement, mais elle peut aussi s’inscrire dans les « conflits verts »[9].

Deux aspects et fondements sous-tendent cette notion :

1. Un fondement éthique et philosophique : la reconnaissance du devoir de tous et chacun à participer à la protection de l'environnement ; C'est un principe en quelque sorte moral, éthique et universel. L'environnement est ici compris comme bien commun et éventuellement, depuis quelques années comme source de « services écosystémiques » plus ou moins vitaux, irremplaçables ou importants et non pas comme un simple patrimoine.

2. un fondement plus pragmatique, juridique : dans cette logique, un crime contre l'environnement est une infraction à la législation sur l'environnement, dont la sanction judiciaire est classifiée dans la catégorie des crimes ; on parle alors plutôt de contravention environnementale, ou d'infraction environnementale. La reconnaissance du crime environnemental s'inscrit dans un objectif de lutte contre les catastrophes écologiques[10].

À l'image des droits de l'homme qu'elles semblent compléter, ces notions ont pris de l'importance dans le droit anglophone et le droit européen de l'environnement ; essentiellement depuis les années 1970 ; on les retrouve en France par exemple dans la charte de l'environnement intégré en 2004 dans le bloc de constitutionnalité du droit français, c'est-à-dire adossée à la constitution. Cette charte affirme des droits et les devoirs fondamentaux de tous et chacun relatifs à la protection de l'environnement.

Selon plusieurs études, le nombre de ces crimes est en hausse spectaculaire dans le monde. Cette criminalité tend donc à s'internationaliser[11]. La criminalité environnementale renvoie donc aux critères de l’illégalité et de l’effet dommageable à l’environnement. L’un et l’autre sont évidemment contingents et liés aux dispositions propres à chaque ordre juridique. Le projet de convention sur la criminalité environnementale s’y attache au premier titre. « (…) b) le comportement est également considéré comme illicite ; i) lorsque les faits ont été commis par une personne physique ou morale étrangère dans un État dans lequel les dispositions protectrices de l’environnement établissent un niveau de protection manifestement inférieur au niveau établi dans l’État de nationalité de la personne physique ou dans lequel la personne morale a son siège social ou encore dans l’État de provenance des déchets ; ii) lorsque les faits ont été commis sous couvert d’une autorisation ou d’un permis ayant été obtenu ou étant détenu au mayen de la corruption, de l’abus de fonctions d’un agent public ou au moyen de menaces, au sens de la Convention des Nations Unies contre la corruption. [12]»

Le champ d’application du projet conventionnel est large. Il couvre les actes illicites qui mettent en danger l’environnement, commis intentionnellement ou par négligence au moins grave : »

a) le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances ou de radiations ionisantes dans l’air ou dans l’atmosphère, dans les sols, dans les eaux ou dans les milieux aquatiques ;

b) la collecte, le transport, la valorisation ou l’élimination de déchets, y compris la surveillance de ces opérations ainsi que l’entretien subséquent des sites de décharge et notamment les actions menées en tant que négociant ou courtier dans toute activité liée à la gestion des déchets ;

c) l’exploitation d’une usine dans laquelle une activité dangereuse est exercée ou dans laquelle des substances ou préparations dangereuses sont stockées ou utilisées ;

d) la production, le traitement, la manipulation, l’utilisation, la détention, le stockage, le transport, l’importation, l’exportation ou l’élimination de matières nucléaires ou d’autres substances radioactives dangereuses ;

e) la production, l’importation, l’exportation, la mise sur le marché ou l’utilisation de substances appauvrissant la couche d’ozone (…).[13]»

f) la mise à mort, la destruction, la possession ou la capture de spécimens d’espèces de faune et de flore sauvages sauf dans les cas où les actes portent sur une quantité négligeable de ces spécimens et ont un impact négligeable sur l’état de conservation de l’espèce ;

g) l e commerce de spécimens d’espèces de faune ou de flore sauvages ou de parties ou produits de ceux-ci sauf dans les cas où les actes portent sur une quantité négligeable de ces spécimens et ont un impact négligeable sur l’état de conservation de l’espèce ;

h) tout autre acte illicite de caractère analogue susceptible de mettre en danger l’environnement.

Si l’énumération peut paraître fort complète, voire excessive, notamment par son alinéa h), elle recouvre les composantes aujourd’hui classiquement citées à propos de la criminalité environnementale.

Il faut par ailleurs souligner que le lien entre la criminalité transnationale organisée (CTO) et celle dite environnementale est plus qu’avéré.

En effet, l'une des sources de revenu de la Criminalité Transnationale Organisée est la criminalité environnementale, notamment le trafic d'espèces sauvages[14] et de bois. Le problème est particulièrement grave dans les pays en développement. Car, les États qui ne disposent pas de moyens suffisants sont souvent dans l'incapacité de réglementer l'exploitation de leurs ressources naturelles. Loin de promouvoir le progrès économique, des richesses naturelles mal gérées peuvent entraîner une mauvaise gouvernance, la corruption, voire des conflits violents. D’ailleurs, les exemples sont légions dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne notamment.

En outre, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée constitue un outil efficace et un élément fondamental du cadre juridique destiné à prévenir et combattre la criminalité environnementale et à renforcer la coopération internationale dans ce domaine ; au sens de l’alinéa b) de l’article 2 et de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 3.

Le crime environnemental : un véritable enjeu planétaire

Le commerce illégal des espèces sauvages et du bois a augmenté rapidement partout dans le monde. Il concerne aujourd’hui un vaste éventail de flore et de faune sauvages, y compris les animaux terrestres et aquatiques, les forêts ainsi que d’autres plantes et leurs produits.

Ce commerce, qui représente jusqu’á 213 millions de dollars par an, permet de financer des groupes criminels, des milices et des groupes terroristes, menaçant la sécurité et le développement durable de nombreuses nations.

La criminalité environnementale et, en particulier, le commerce illégal des espèces sauvages ont des répercussions sur l’environnement, la société, l’économie et la sécurité, portant atteinte aux ressources des communautés locales et entraînant le pillage du capital naturel.

Au-delà des conséquences immédiates sur l’environnement, le commerce illégal des ressources naturelles prive les pays en développement de milliards de dollars en pertes de revenus pour remplir les poches de criminels. Les importantes sommes d’argent qui affluent chez des milices et des groupes terroristes constituent une menace au développement durable, aux moyens de subsistance, à la bonne gouvernance et à l’état de droit.

Le commerce illégal des espèces sauvages est reconnu comme le quatrième plus grand commerce illégal après les drogues illicites, la traite des êtres humains et le commerce des armes. On estime que 48 à 153 milliards de dollars de ressources sont perdus chaque année en raison du commerce illégal des espèces sauvages, soit presque l’équivalent de l’aide publique au développement (APD) qui représente environ 153 milliards de dollars par an.

L’exploitation forestière illégale représente à elle seule entre 30 et 100 milliards de dollars en pertes de ressources annuelles, soit entre 10 et 30 % de la valeur totale du commerce du bois dans le monde[15].

Selon une étude réalisée par l’INTERPOL, l’exploitation illégale des ressources naturelles/environnementales telles que l’or, les minerais, le diamant, le bois, le pétrole, le charbon et les espèces sauvages, constitue à l’heure actuelle la plus importante source de financement des conflits, représentant à elle seule, selon les estimations, 38 % des flux financiers illicites en direction des groupes armés impliqués dans des conflits.

Lorsque les revenus tirés de ces ressources naturelles s’ajoutent à leur taxation illicite et à leur extorsion (26 %) par les mêmes groupes armés non étatiques, ce chiffre atteint les 64 %.


· 38 % - Atteintes à l’environnement, dont exploitation illégale du pétrole, de minerais et d’or ;

· 28 % - Drogue ;

· 26 % - Taxation illégale, extorsion, confiscation et pillage ;

· 3 % - Dons extérieurs ;

· 3 % - Argent extorqué grâce aux enlèvements contre rançon ;

· 1 % - Charbon ;

· 1 % - Antiquités[16].

La communauté internationale reconnaît désormais largement l’ampleur considérable prise par le commerce illégal d’espèces sauvages au niveau mondial. Le trafic d’animaux et de produits forestiers, d’une valeur estimée entre 70 et 213 milliards de dollars US par an, affecte une grande partie de la faune et de la flore à travers le monde.

Le commerce illégal des ressources naturelles prive les pays en développement de milliards de dollars de revenus et d’opportunités de développement tout en bénéficiant à des réseaux criminels relativement restreints.

En effet, les opportunités de développement que comportent les écosystèmes sont menacés par les atteintes internationales à l’environnement, de plus en plus complexes et organisées, qui compromettent les objectifs de développement et la bonne gouvernance. Il s’agit notamment de l’exploitation forestière illégale, du braconnage et du trafic d’animaux sauvages, de la pêche illégale, de l’exploitation minière illégale et du déversement de déchets toxiques, qui représentent une menace croissante pour l’environnement, les revenus tirés des ressources naturelles, la sécurité publique et le développement durable[17].

Selon une étude de l’ONUDC, la vente d’ivoire d’éléphant, de corne de rhinocéros et de parties de tigre en Asie représente à elle seule quelque 75 millions de dollars. Force est de constater que l’impact de ce flux est largement supérieur au revenu relativement faible que perçoivent les délinquants. La valeur du commerce illégal de bois en provenance d’Asie du Sud-Est et à destination de l’Union européenne et de l’Asie était estimée à 3,5 milliards de dollars[18].

Le trafic d’espèces sauvages d’Afrique et d’Asie du Sud-Est

La pauvreté généralisée ainsi qu’un marché international lucratif pour les produits dérivés d’animaux exotiques ont conduit à un braconnage massif des espèces sauvages d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. Outre les dommages causés aux écosystèmes naturels, cette pratique a également un impact sur le secteur du tourisme, qui représente une partie essentielle de nombreuses économies nationales. L’éléphant, le rhinocéros et le tigre sont trois des principales espèces menacées d’extinction qui sont abattues pour leur peau et/ou leurs os. L’ivoire, la corne de rhinocéros et les parties de tigre figurent parmi les « produits » d’animaux de grande taille les plus appréciés faisant l’objet d’un trafic depuis diverses régions d’Asie du Sud-Est et d’Afrique vers l’Asie. De nombreuses espèces sauvages de petite taille sont également chassées en Asie du Sud-Est pour la médecine traditionnelle, l’alimentation et la décoration, ou sont capturées vivantes pour le commerce d’animaux de compagnie[19].

Chaque année en Afrique, de 20 000 à 25 000 éléphants sont tués, sur une population totale de 420 000 à 650 000 têtes. La population des éléphants de forêt aurait décliné de près de 62 % entre 2002 et 2011.

L’ivoire africain issu du braconnage représenterait pour le consommateur final en Asie une valeur marchande estimée de 165 à 188 millions de dollars US (ivoire brut), sans compter l’ivoire asiatique. Par ailleurs, 94 % du braconnage des rhinocéros se produit au Zimbabwe et en Afrique du Sud, où vivent les dernières grandes populations. Ce phénomène, dirigé par des réseaux organisés, a récemment connu une croissance sans précédent, passant de moins de 50 victimes en 2007 à plus de 1 000 en 2013 et causant la disparition des rhinocéros de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique.

Les cornes de rhinocéros étaient évaluées, récemment, entre 63,8 et 192 millions de dollars US sur le marché noir, soit un prix bien plus élevé qu’à la source.

Selon une analyse du programme de suivi de l’abattage illicite d’éléphant communément appelé MIKE[20] suggère que 15.000 éléphants ont été tués illégalement dans les 42 sites surveillés par MIKE en 2012. Le taux de braconnage est estimé à 7,4 % en 2012 et reste à un niveau élevé non viable, car il dépasse le taux de croissance naturelle de la population (généralement pas plus de 5%).

Le poids total et le nombre de saisies d'ivoire à grande échelle (plus de 500 kg) en 2013 dépasse toutes les années précédentes. Ces données n'ont pas été corrigées pour le biais, et l'augmentation peut refléter l'amélioration des efforts de lutte contre la fraude, ou pourrait signifier une augmentation des niveaux globaux de commerce illégal. Etant donné les niveaux élevés de braconnage observés à travers le programme de MIKE, la quantité d'ivoire illicite dans le commerce devrait rester élevée[21].

En Afrique, un éléphant est abattu toutes les 20 minutes. Les éléphants victimes du braconnage représentent un nombre plus important que les éléphants morts de causes naturelles, leur taux de mortalité atteignant 90 % en Afrique centrale.

Le braconnage du rhinocéros a augmenté de 7 000 % entre 2007 et 2013 en Afrique du Sud, région qui abrite 80 % des rhinocéros d’Afrique, plus de 1 000 ayant été abattus en 2013 seulement. Avec une valeur commerciale de 65 000 dollars le kilo, les prix de la corne de rhinocéros sont plus élevés que ceux de l’or.

En outre, en Afrique du Sud et en Afrique centrale, en Asie et ailleurs, le commerce illégal d’oiseaux, de poissons, de mammifères, de reptiles et de plantes a augmenté pour satisfaire la demande des marchés nationaux et internationaux et fait beaucoup de dégâts sur la diversité, causant la perte du capital naturel et procurant des gains financiers aux réseaux criminels organisés.

Les menaces et les défis posés par la participation croissante de groupes criminels organisés au commerce illégal des espèces sauvages et les implications négatives pour la gouvernance, l’état de droit et la sécurité inquiètent la communauté internationale[22].

Ensuite, la criminalité forestière et le trafic d’espèces sauvages jouent un rôle considérable dans le financement de réseaux organisés et de groupes armés non étatiques, notamment les groupes terroristes. Le commerce de l’ivoire finance également en partie les groupes de miliciens en République démocratique du Congo et en République centrafricaine par exemple. Il s’agit probablement d’une des sources principales de revenus de l’Armée de résistance du Seigneur, qui opère à la frontière entre le Soudan du Sud, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo.

De même, l’ivoire offre une source de revenus aux Janjawids soudanais et autres groupes de cavaliers opérant entre le Soudan, le Tchad et le Niger. Or, étant donné la population estimée d’éléphants et la vitesse à laquelle ces milices les déciment, les revenus annuels tirés de l’ivoire en Afrique subsaharienne par ces groupes sont estimés entre 4 et 12,2 millions de dollars US.

Si le braconnage touche plusieurs pays africains, certains le sont beaucoup plus que d’autres. L’Afrique centrale est la principale source d’ivoire d’éléphant tandis que l’Afrique australe est visée pour la corne de rhinocéros. Les parties d’animaux sont illégalement transportées par mer ou par air vers l’Asie via divers itinéraires, souvent dissimulées dans des chargements licites, les groupes criminels tirant profit du développement du commerce licite entre l’Afrique et l’Asie[23].

Il faut dire aussi que l’Asie sert de région d’origine, de transit et de destination pour une grande partie des animaux menacés d’extinction qui font l’objet de braconnage dans le monde. Le Myanmar, la République démocratique populaire lao et le Cambodge sont les pays d’origine les plus touchés. Les espaces sauvages transfrontaliers sont des points particulièrement vulnérables face au trafic transnational. Cette vulnérabilité, associée à la corruption, permet aux réseaux criminels de transporter avec une relative facilité des animaux capturés ou abattus illicitement.

L’Asie abrite trois des cinq espèces de rhinocéros et leur massacre a été tel que les experts ont prévenu que leur extinction pourrait avoir lieu de notre vivant[24]. Outre ces animaux de grande taille, diverses espèces sauvages locales sont en ligne de mire. Nombre de ces animaux peuvent être transportés vivants vers leurs marchés de destination, mais beaucoup meurent en cours de route dans le cadre de ce trafic.

Corruption et implication des groupes criminels organisés

Les trafiquants ont souvent recours à la fraude documentaire pour transporter le bois illicite vers l’étranger. Les méthodes utilisées consistent notamment à mentir sur l’origine du bois en déclarant du bois protégé comme étant une variété ordinaire ou en falsifiant les certificats d’origine de manière à déclarer que le bois issu d’une région protégée provient d’une source autorisée.

Ce commerce illégal a des répercussions, notamment sur la corruption. Dans de nombreux cas, les documents nécessaires pour transporter du bois illégal ne sont pas falsifiés mais plutôt achetés auprès de fonctionnaires corrompus dans les pays d’origine du bois. Des groupes se livrant à l’exploitation illégale du bois peuvent également se faire aider à des degrés divers par des fonctionnaires corrompus.

Quid du droit international ?

Le droit international joue un rôle capital dans la mesure où il concerne les activités illicites liées aux espèces sauvages et à la forêt, consiste en grande partie en des accords de protection de l’environnement et d’utilisation durable des ressources naturelles. Ces accords peuvent concerner:

  1. la protection des espèces, y compris les mesures visant à supprimer le commerce illicite de ces espèces. La protection des espèces est importante pour éviter la disparition de certaines plantes et animaux, et pour éviter leur exploitation inutile. Cependant, les mesures de protection aux espèces ne peuvent pas éviter la destruction des habitats naturels et de certains écosystèmes tout entiers[25].

  2. Les mécanismes visant à protéger les parcs nationaux, les écosystèmes et les aires géographiques qui s’attachent surtout à la préservation d’une région donnée ayant une valeur écologique, biologique ou naturelle particulière. Ces aires peuvent être placées sous protection en raison de leurs caractéristiques rares ou uniques, ou de leur faune ou flore sauvages.

  3. La protection de la biodiversité, qui implique la conservation et la protection des habitats.

Son but est de protéger certains écosystèmes ou espaces naturels et toutes les espèces qu’ils contiennent. La conservation de la biodiversité implique généralement la protection des territoires désignés appelés réserves ou aires de conservation contre tout empiètement. En revanche, la protection de l’habitat concerne la protection contre l’occupation des sols par l’homme, y compris le développement durable, les opportunités de sources de revenus, et l’entretien de l’habitat.

Une caractéristique importante de tous les aspects du droit international de l’environnement est le « nouveau concept de développement durable »[26], de plus en plus reconnu dans de nombreux traités internationaux et accords régionaux. La notion de développement durable reconnaît le besoin d’une protection de l’environnement et du développement économique, et cherche à rapprocher ces deux objectifs souvent opposés et sources de conflits; elle vise à trouver un équilibre entre les besoins de conservation et de protection d’une part, et les exigences aussi bien économiques que de développement d’autre part.

Quelles sanctions pour les crimes environnementaux?

Justement, il y a des traités internationaux étant directement ou indirectement en rapport avec les infractions liées aux espèces sauvages et avec les forêts, et avec d’autres infractions associées. Il importe de préciser, cependant, que le droit international reste fragmentaire et inconsistant en ce qui concerne les mesures visant à prévenir et à réprimer les infractions liées aux espèces sauvages et aux forêts.

À l’heure actuelle, aucun traité en particulier ne traite de manière globale les nombreux aspects et facettes des infractions liées aux espèces sauvages et aux forêts, tels que la coupe illicite, le braconnage, le trafic de faune et de flore sauvages, la possession et la consommation de matériel végétal ou animal illégalement obtenu, ainsi que les infractions connexes comme le blanchiment d’argent.

L’absence d’un tel traité empêche que les personnes commettant ces infractions ne soient poursuivies, puisque bon nombre de ces infractions ne sont pas considérées comme des infractions pénales[27].

Il est cependant important de signaler quelques traités, conventions très indispensables, entre autres :

· la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (La CITES). La CITES contrôle et réglemente le commerce international des spécimens des espèces protégées; elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

En somme, son but est de protéger les espèces de faune et de flore sauvages en danger (y compris leurs sous-produits) en créant un système de contrôle pour tout commerce et transaction concernant ces espèces. La Convention comprend trois annexes relatives aux espèces et énonce le contrôle et les mécanismes de transmission de rapports applicables à ces espèces: l’Annexe[28] I, l’Annexe[29] II, l’Annexe II[30].

La CITES est l’instrument de contrôle du commerce illicite des espèces de faune et de flore sauvages le plus important au niveau international, car c’est le seul traité qui exige que les Parties pénalisent certains aspects du commerce illicite pour les espèces protégées. Il permet également aux pays liés par la Convention de confisquer les spécimens de flore ou d’animaux sauvages de provenance illicite.

La CITES est, de fait, le seul traité international à énoncer des violations spécifiques concernant les activités illicites dans le secteur des espèces sauvages et des forêts[31].

· La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Plusieurs rapports récents des Nations Unies suggèrent que les groupes criminels se sont diversifiés dans les marchés illicites de flore et de faune sauvages, attirés par les faibles risques et les profits élevés. Les types d’infractions contre les espèces sauvages et les forêts, graves et organisés, tels que le trafic de produits concernant le tigre, l’ivoire, les oiseaux exotiques, le caviar, entre autres, peuvent relever de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Depuis sa création, la Convention est devenue un outil important et pratiquement universel dans la lutte contre le crime organisé, y compris le commerce illicite de la faune et la flore sauvages, ainsi que de leurs parties et produits dérivés.

La Convention s’applique à plusieurs groupes d’infractions énoncés dans les dispositions suivantes: la participation à un groupe criminel organisé[32] ; le blanchiment d’argent[33] ; la corruption[34] ; l’entrave au bon fonctionnement de la justice[35] . En outre, elle s’applique aux infractions par le biais des trois protocoles qui complètent la Convention, ainsi qu’à toutes les « infractions graves » qui pourraient appartenir au domaine de la criminalité transnationale organisée. Le paragraphe b de l’article 2 définit l’infraction « grave » comme un acte constituant une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins quatre ans ou d’une peine plus lourde. Le caractère « grave » fait référence à une peine prévue dans le droit interne, ce qui implique que l’infraction « grave » peut aussi inclure les infractions contre les espèces sauvages et les forêts passibles d’une peine privative de liberté de quatre ans ou plus.

Étant donné que les infractions commises contre les espèces sauvages et les forêts ainsi que leurs effets sont souvent de nature transnationale, et étant donné l’implication fréquente de groupes criminels organisés dans ces actions, il y a de fortes chances de pouvoir faire appel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée lorsqu’il s’agit de donner une réponse juridique aux infractions contre les espèces sauvages et les forêts du point de vue transnational.

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée fournit aussi un mécanisme particulièrement efficace au niveau de la coopération internationale pour les affaires criminelles, étant donné qu’elle offre une base juridique exhaustive et souple pour la coopération en matière d’extradition, d’entraide judiciaire et de coopération internationale entre les Parties pour toutes les formes d’infractions graves.

· La Convention des Nations Unies contre la corruption.

Dans la mesure où les différentes formes d’infractions contre les espèces sauvages et les forêts sont liées à des pratiques de corruption, la Convention des Nations Unies contre la corruption fournit une importante base juridique destinée à les combattre. Cette Convention, premier instrument mondial juridiquement contraignant visant à combattre la corruption, s’appuie sur le précédent de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et inclut un nombre considérable de dispositions similaires.

Elle a pour but de promouvoir et de renforcer les mesures visant à prévenir et à combattre la corruption de manière plus efficace; de promouvoir, faciliter et favoriser la coopération internationale et l’assistance technique dans la prévention et la lutte contre la corruption, y compris dans le recouvrement d’avoirs; de promouvoir l’intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et de la propriété publique.

La Convention prévoit un large éventail de mesures de prévention anticorruption, ainsi que des mesures liées à la criminalisation et à l’application des lois, à la coopération internationale, au recouvrement d’avoirs, à l’assistance technique et au partage d’informations.

A cela on peut ajouter la convention sur la biodiversité biologique, la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel ; la Déclaration de Paris (2013), la Déclaration de Londres (2014), la Déclaration de Kasane (2015), la Déclaration des dirigeants du G20 (2017), la Déclaration à l'issue de la Conférence de Londres sur le commerce illégal des espèces sauvages (2018) ; les cibles 15.7 et 15.c des Objectifs de développement durable, selon lesquelles il convient de lutter de toute urgence contre le trafic d'espèces sauvages ; la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (2020)[36].

Qu’en est-il du droit interne ?

C’est en raison du manque de normes juridiques internationales exhaustives et relatives aux infractions contre les espèces sauvages et les forêts que le droit interne doit être le premier à déterminer la nature, la portée et les conséquences des infractions liées aux espèces sauvages et aux forêts. De même, il est difficile de combattre les infractions liées aux espèces sauvages et aux forêts au niveau international si l’on ne dispose pas de normes juridiques nationales exhaustives incluant les infractions pénales[37].

Dans bon nombre de pays, les systèmes juridiques et les systèmes de réglementation doivent subir des réformes afin de pouvoir s’attaquer aux infractions contre les espèces sauvages et les forêts. Le fait que les infractions liées aux espèces sauvages et aux forêts portent sur de nombreux secteurs gouvernementaux, gouvernés à leur tour par plusieurs instruments juridiques, représente un véritable défi pour la mise en place et le renforcement de ces systèmes. Les outils et sections suivants ont été conçus dans le but d’identifier les principales lois relatives aux espèces sauvages, aux forêts, à la protection des espèces et au droit pénal.

Dans certains pays, les lois relatives aux espèces sauvages et aux forêts ne sont pas suffisamment développées ou contiennent des lacunes importantes (l’inadéquation des mesures législatives avec les normes internationales relatives aux crimes organisés). Ailleurs, les cadres juridiques sont tellement exhaustifs que les organismes gouvernementaux, dont les services de répression, ne disposent pas des moyens suffisants pour exercer une surveillance adéquate.

Les sanctions quand il s’agit des crimes environnementaux sont très faibles. Ce qui fait que les systèmes nationaux sont incapables de mettre un terme aux dégradations généralisées des écosystèmes.

L’affaire du Probo Koala est symptomatique de l’inadéquation des législations nationales face à la criminalité environnementale organisée. Outre les difficultés d’établissement du lien de causalité, la transnationalité de certaines atteintes à l’environnement est ignorée par ces législations établies selon le régime répressif général[38].

En effet dans l’affaire précitée, à la suite du déversement de déchets toxiques dans la commune d’Abidjan, la société Trafigura ne fut condamnée qu’au versement de l’insignifiante amende d’un million d’euros pour violation de la législation européenne sur l’élimination des déchets. En application du principe de territorialité[39], le Tribunal d’Amsterdam prononça cette sanction en totale méconnaissance des dommages causés à l’écosystème abidjanais et à la santé des populations[40].

L’industrialisation a par ailleurs favorisé l’exponentiation de la criminalité environnementale à des fins lucratives, vouée « à satisfaire l’augmentation de plus en plus croissante de nouvelles demandes en biens de consommation situés loin des frontières nationales »[41].

La plupart de ces atteintes sont commises dans le cadre d’activités économiques licites. Celles-ci s’apparentant ainsi à des dommages collatéraux liés à l’accomplissement de la raison sociale d’une société pétrolière, nucléaire civile, minière ou industrielle. Il en résulte une banalisation des sanctions infligées aux auteurs desdits crimes qui perdent de ce fait toute leur valeur dissuasive.

Les conséquences de l’inefficience de la répression nationale se font dès lors ressentir sur la qualité de vie, en particulier des populations des territoires insulaires qui sont de nos jours les plus touchées par les effets pervers du changement climatique. Ces atteintes comprennent ainsi l’élévation du niveau marin, la dégradation progressive des ressources vitales, l’érosion, le blanchiment du corail, la salinisation des eaux, les inondations, la multiplication des cyclones[42] etc. L’ampleur de ces dommages risque d’accélérer la disparition de nombreuses États atolliens à l’instar de Tuvalu, Kiribati, les Îles Marshall, les Maldives en cas d’inaction de la communauté internationale.

La CPI est-elle compétente pour les crimes environnementaux ?

Aux termes de l’article 5 du Statut de Rome, la CPI est compétente à l’égard du génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression[43]. Au vu de la politique générale de la Procureure relative à la sélection et à la hiérarchisation des affaires, ces crimes peuvent amplement servir à la répression de plusieurs crimes environnementaux, qu’ils soient commis en temps de paix ou de guerre, expressément prévus ou non par le Statut de Rome.

En outre, conformément aux dispositions de l’article 6 du Statut de Rome, on entend par crime de génocide un ensemble d’actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux[44].

Le lien entre génocide et crimes écologiques n’apparait pas prima facie puisqu’il n’est aucunement fait mention à l’article 6 d’atteintes à l’environnement parmi les actes susceptibles d’être qualifiés de génocide. Pourtant, les dégradations subies par l’environnement peuvent, à y regarder de plus près, constituer des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale d’un groupe donné, ou viser à le soumettre à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle.

Il est en effet possible d’envisager l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux spécifique comme le symptôme d’un mal plus profond causé à l’environnement. Le génocide se réalisant dans ces conditions par le biais d’un crime écologique[45].

La destruction de l’environnement peut également être commise dans le but de soumettre intentionnellement un groupe national, ethnique, racial ou religieux à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle. À cet égard, les conditions d’existence recouvrent sans limitation, « la privation délibérée des moyens indispensables à la survie (…) ou l’expulsion systématique des logements ». Il est possible que la dégradation de l’environnement soit la cause de déplacement systématique d’un groupe vers des terres inhospitalières.

Détruire cet environnement reviendrait à porter irrémédiablement atteinte à leur existence. Ce fut l’exemple de certaines tribus amérindiennes dont la santé et les conditions de vie se dégradèrent après le déversement de déchets toxiques dans les réserves, au point que certains auteurs qualifièrent cet incident de « génocide environnemental ». Il en va de même pour le danger que représente la fissuration des produits chimiques pour la vie et la santé des membres de la tribu des Sioux de Standing Rock[46].

L’objectif visé ici est la répression de situations dans lesquelles les membres du groupe sont destinés à mourir progressivement par privation de moyens de subsistance tels que la nourriture, les soins médicaux ou l’accès à de l’eau potable. L’illustration la plus probante est celle d’Omar Al Bashir poursuivi par la CPI pour génocide par soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant entraîner la destruction physique des groupes ethniques four, massalit et zaghawa. La Procureure a retenu ce chef d’accusation en raison, de la contamination des puits et pompes à eau des villes et des villages principalement peuplés de membres des groupes susvisés[47].

Par ailleurs, concernant toujours l’affaire Omar Al Bashir, le chef de génocide fut retenu par les juges de la Chambre préliminaire parce que les actes consistant à contaminer des pompes à eau et à procéder au transfert forcé des populations ont été perpétrés dans la poursuite de la politique génocidaire menée par le gouvernement soudanais contre les groupes four, massalit et zaghawa. Les conditions de vie imposées à la partie de la population susmentionnée qui se sont accompagnés de l’installation de membres d’autres tribus devaient par ailleurs entraîner la destruction physique d’une partie de ces groupes ethniques[48].

Toutefois, le défaut d’éléments d’ordre subjectif ou moral, peut rendre la tâche difficile dans la poursuite des auteurs d’atteintes à l’environnement pour génocide. Cela est aussi valable pour les crimes contre l’humanité même si ces derniers permettent une meilleure répression des atteintes à l’environnement de manière générale.

La COP26, un «compromis plein de contradictions[49]» ?

D’une manière générale, les 200 pays de la COP26 sont parvenus en novembre dernier à un compromis dans la douleur pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. L'événement phare de l'année en matière de changement climatique, du moins en termes de visibilité dans les médias et auprès du grand public, a été la conférence des Nations Unies sur le climat COP26, qui s'est tenue à Glasgow en novembre.

Cet événement intensif de deux semaines a été convoqué pour aller définitivement de l'avant avec les promesses faites dans le cadre de l'Accord de Paris adopté lors de la conférence de 2015, et pour mettre au point les détails de la transformation de ces engagements en actions concrètes.

Les premiers jours de l'événement ont été marqués par une promesse majeure de restauration des forêts du monde, ainsi que par une liste d'engagements pris par les acteurs des secteurs public et privé pour lutter contre le changement climatique, enrayer la destruction de la biodiversité et la faim, et protéger les droits des peuples autochtones[50].

Sur le point critique de la limitation des températures, alors que la planète se trouve selon l’ONU sur une trajectoire « catastrophique » de réchauffement de 2,7°C par rapport à l’ère pré-industrielle, le texte appelle les États membres à relever leurs engagements de réductions plus régulièrement que prévu dans l’accord de Paris, et ce dès 2022.

Toutefois, les pays pauvres sont les grands lésés (les moins pollueurs mais les plus exposés). Ces derniers, échaudés par la promesse toujours non tenue des plus riches de porter à partir de 2020 leur aide climat au Sud à 100 milliards de dollars par an, les pays pauvres demandaient un financement spécifique des « pertes et préjudices » qu’ils subissent déjà[51].

C’est un dossier très sensible, qui a un temps semblé pouvoir faire dérailler les négociations, n’a pas trouvé de résolution.

Par ailleurs, plus de trois douzaines d'experts des Nations Unies ont approuvé une déclaration appelant à une plus grande transparence et à un suivi rigoureux des engagements pris à Glasgow tels que la promesse faite par une centaine de pays de mettre fin à la déforestation d'ici 2030, de réduire les émissions de méthane de 30 % d'ici la fin de la décennie et d'établir un système de cliquet obligeant les États à renforcer leurs engagements chaque année. Les experts ont rappelé que « les économies les plus grandes et les plus riches du monde n'ont toutefois pas réussi à prendre des engagements suffisamment forts pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C », ajoutant que « la conférence n'a pas non plus permis de réaliser des progrès suffisants en ce qui concerne les fonds pour les pertes et les dommages, laissant de nombreux pays vulnérables au changement climatique sans les ressources nécessaires pour passer à des énergies plus propres et faire face à des catastrophes climatiques de plus en plus extrêmes ».

Afin de relever le double défi de l'urgence climatique, de la pandémie de Covid et d'accroître la préparation et la résilience aux catastrophes naturelles et aux futures pandémies, les experts ont déclaré que les États devaient agir « conformément aux principes qui sous-tendent le droit au développement ».

Ces principes comprennent « la participation, la réalisation progressive, l'égalité au sein des pays et entre eux, la solidarité internationale et la coopération et l'assistance ».

Et pour s'assurer que les engagements de la COP26 sont mis en œuvre dans l'esprit de la Convention et de l'Accord de Paris, les experts nommés par l'ONU ont soutenu que les États parties doivent « assurer un suivi rapide, en élaborant et en rendant publics des plans de mise en œuvre concrets ». Ces plans doivent inclure des calendriers spécifiques, l’allocation de ressources financières, une transition juste en intégrant les perspectives de genre, ainsi que des processus transparents pour examiner les progrès[52].





[1] J-P BEURIER, Droit international de l’environnement, éditions A.Pedone, Paris, 2017, 5ème éd., p. 54, § 54. L’auteur cite à titre d’exemples l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, le Traité de Kampala du 5 novembre 1993 établissant un marché commun pour l’Afrique de l’Est et du Sud, le Traité de Windhoek du 17 août 1992 établissant la communauté du Sud-africain pour le développement, l’Accord de libre-échange nord-américain de décembre 1992 entre le Canada, les États-Unis et le Mexique etc. [2] Tribunal international de Monsanto, Avis consultatif du 18 avril 2017, La Haye, p. 52. [3] Voir le guide analytique des travaux de la CDI sur le thème « Protection de l’atmosphère ». En particulier, le deuxième rapport sur la protection de l’atmosphère, établi par Shinya Murase, Rapporteur spécial, A/CN.4/681, 2 mars 2015. Voir aussi le raapport de la Commission du droit international ; soixante-dixième session (30 avril-1 er juin et 2 juillet-10 août 2018). https://undocs.org/pdf?symbol=fr/A/73/10 [4] Ibid., p. 18, § 26. [5] Amissi (M) ; Konstantia (K) : la criminalité environnementale. https://www.erudit.org/en/journals/crimino/2016-v49-n2-crimino02877/1038414ar.pdf [6] Cité par Amissi (M) ; Konstantia (K) : Wolf, B. (2011). ‘Green-Collar Crime’ : Environmental Crime and Justice in the Sociological Perspective. Sociology Compass, 5(7), 499-511. [7] Hugues Hellio : Une convention contre la criminalité environnementale : une révolution ? Non, une circulation! P4. Disponible sur https://www.erudit.org/fr/revues/crimino/2016-v49-n2-crimino02877/1038421ar.pdf [8] Euronews, Le Parlement européen inquiet de la montée des crimes environnementaux, Affaires européennes ; https://www.youtube.com/watch?v=cU8bqQDjIOA [9] François, (M) : l'émergence des conflits verts, vers une nouvelle typologie des conflits liée aux ressources naturelles. [10] Valérie Cabanes, la juriste qui veut rendre ses droits à la nature. https://questionsdetransformation.ey.com/portraits/valerie-cabanes-la-juriste-qui-veut-rendre-ses-droits-a-la-nature_a-46-443.html [11] Amissi (M) ; Konstantia (K) : la criminalité environnementale, ; op. ; Cit. ; [12] Art 1.1 ;b, du projet de convention sur la criminalité environnementale. [13] Art 3 ibid, ; [14] Fait référence à toute la faune et la flore sauvages; cela comprend les animaux, les oiseaux et les poissons, ainsi que le bois et les produits non ligneux. [15] Il faut dire stop à la criminalité environnementale. https://www.un.org/fr/chronicle/article/il-faut-dire-stop-la-criminalite-environnementale [16] L’Atlas mondial des flux illicites : la criminalité organisée alimente les grands conflits et le terrorisme dans le monde entier. https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2018/La-criminalite-organisee-alimente-les-grands-conflits-et-le-terrorisme-dans-le-monde-entier [17] Nellemann, C., Henriksen, R., Raxter, P., Ash, N., Mrema, E. (dir.) ; la crise de la criminalité environnementale - le commerce et l’exploitation illégale de la faune et des ressources forestières menacent le développement durable. file:///C:/Users/CBS/Downloads/The%20Environmental%20Crime%20Crisis%20-%20Threats%20to%20sustainable%20development%20from%20illegal%20exploitation%20and%20trade%20in%20wildlife%20and%20forest%20resources%20FR%20(1).pdf [18] ONUDC: The Globalization of Crime: A Transnational Organized Crime Threat Assessment. 2010 http://www.unodc.org/documents/data-andanalysis/tocta/TOCTA_Report_2010_low_res.pdf [19] Nellemann, C., Henriksen, R., Raxter, P., Ash, N., Mrema, E. (dir.) ; la crise de la criminalité environnementale - le commerce et l’exploitation illégale de la faune et des ressources forestières menacent le développement durable. Op, ; Cit. ; p7. [20] Monitoring the Illegal Killing of Elephants. [21] Etat des populations des éléphants africains et les niveaux d'abattage illégal et le commerce illégal de l'ivoire de l'éléphant d'Afrique: Un rapport pour le Sommet sur l’éléphant d’Afrique (décembre 2013). https://www.iucn.org/sites/dev/files/import/downloads/african_elephant_summit_background_document_2013_fr.pdf [22] Il faut dire stop à la criminalité environnementale ; Op ; Cit, ; [23] Criminalité environnementale – le trafic d’espèces sauvages et de bois. https://www.unodc.org/documents/toc/factsheets/TOC12_fs_environment_FR_HIRES.pdf [24] Séance de la Commission des affaires étrangères du Sénat des États- Unis d’Amérique, “Ivory and Insecurity: The Global Implications of Poaching in Africa”. http://www.cites.org/eng/news/SG/2012/20120525_SG_US-Senate_testimony.php [25] ONUDC : Compilation d’outils pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts p30. Disponible sur https://www.unodc.org/documents/Wildlife/Toolkit_f.pdf [26] Peut être défini comme « l’intégration des considérations environnementales dans le processus de planification du développement, de manière que le développement économique à long terme soit assuré, tandis que la qualité de vie actuelle, ainsi que celle des générations présentes et futures sont préservées et améliorées. » [27] ONUDC : Compilation d’outils pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts ; Op ; Cit., [28] Comprend toutes les espèces menacées d’extinction et dont le commerce n’est ni durable ni autorisé. Toute transaction concernant les espèces inscrites à l’Annexe I exige des permis d’importation et d’exportation, ou un certificat de réexportation. [29] C.omprend la liste des espèces qui, bien que n’étant pas actuellement nécessairement menacées d’extinction, pourraient l’être si le commerce de leurs spécimens n’était pas étroitement contrôlé, ainsi que les espèces pour lesquelles le commerce doit être soumis à un contrôle très strict de manière à pouvoir exercer un contrôle efficace. Toute transaction des espèces inscrites à l’Annexe II exige un permis d’exportation et doit être présenté aux autorités douanières du pays importateur. [30] Comprend la liste des espèces inscrites à la demande d’une Partie qui en réglemente déjà le commerce et qui a besoin de la coopération des autres Parties pour en contrôler le commerce. Le commerce des spécimens des espèces inscrites à cette annexe n’est autorisé que sur présentation d’un permis d’exportation par le pays exportateur s’il s’agit de l’État qui a inclus les espèces inscrites à l’Annexe III, ou sur présentation d’un certificat d’origine, s’il s’agit d’un autre État. [31] ONUDC : Compilation d’outils pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts ; Op ; Cit.,P31 [32] article 5 [33] article 6 [34] article 8 [35] article 23. [36] https://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/COP/SESSION_10/Website/CTOC_COP_2020_L.9/CTOC_COP_2020_L.9_F.pdf [37] Compilation d’outils pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts CONSORTIUM, ; Op. Cit., P40. [38] Randianina RADILOFE : le droit international face aux enjeux environnementaux des territoires insulaires. ; p2. https://www.sfdi.org/wp-content/uploads/2021/02/Radilofe-Le-droit-international-de-lenvironnement-a-lepreuve-des-migrations-climatiques-des-populations-insulaires.pdf [39] C. BANUNGANA, « La judiciarisation des atteintes environnementales : la Cour pénale internationale à la rescousse », Revue Québécoise de droit international, décembre 2017, vol. 1-1 (Hors-série), pp. 213 et 217-221. Disponible sur https://www.erudit.org/fr/revues/rqdi/2017-rqdi04297/1056230ar.pdf [40] Dès 2006, le parquet néerlandais a ouvert une enquête sur les conditions dans lesquelles les déchets, après avoir été déchargés lors de l’escale du Probo Koala au port d’Amsterdam, ont pu être rechargés à bord du navire, en violation des lois néerlandaises et des conventions européennes. Cependant, la procédure n’a uniquement porté que sur les événements qui se sont déroulés à Amsterdam, sans considération du déversement des déchets non traités, un mois plus tard, dans plusieurs sites de la commune d’Abidjan (Côte d’Ivoire). Cet incident a causé la mort d’au moins 17 personnes et l’intoxication de plus de 100 000 autres. In FIDH, L’affaire du «Probo Koala» ou la catastrophe du déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire, avril 2011, disponible https://www.fidh.org/IMG/pdf/FIDH-LIDHO-MIDH_Rapport_ProboKoala_avril2011.pdf . [41] C. BANUNGANA, « La judiciarisation des atteintes environnementales : la Cour pénale internationale à la rescousse », art.cit., p. 212. [42] C. COURNIL et F. GEMENNE, « Les populations insulaires face au changement climatique : des migrations à anticiper », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, décembre 2010, vol.10, n°3, p. 1, § 1. Disponible à l’adresse : http://journals.openedition.org/vertigo/10482 [43] Depuis le 17 juillet 2018, la compétence de CPI pour le crime d’agression est activée à la suite de l’adoption de la résolution ICC-ASP / 16 / Res. 5 conformément aux dispositions des articles 15 bis et 15 ter du Statut de Rome. [44] Voir l’article 6 du statut de Rome [45] Edwige BIESSOU : Le droit international face aux enjeux environnementaux des territoires insulaires ; P6 [46] Cité par E. BIESSOU [47] CPI, le Procureur c. Omar Hassan Ahmed Al Bashir, Chambre préliminaire I, Deuxième mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmed Al Bashir, n° ICC‐02/05‐01/09, 12 juillet 2010, p. 7. https://www.icc-cpi.int/CourtRecords/CR2010_05238.PDF [48] CPI, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmed Al Bashir, Chambre préliminaire I, arrêt préc., pp. 7-8. [49] https://www.leparisien.fr/environnement/accord-a-la-cop26-pour-accelerer-la-lutte-contre-le-rechauffement-climatique-13-11-2021-MMF4UFUYL5A6JFFYUQUZMXK25E.php [50] Retour sur l'année 2021 : Action climatique ou bla-bla-bla ? https://news.un.org/fr/story/2021/12/1111472 [51] https://www.leparisien.fr/environnement/accord-a-la-cop26-pour-accelerer-la-lutte-contre-le-rechauffement-climatique-13-11-2021-MMF4UFUYL5A6JFFYUQUZMXK25E.php [52] Il faut passer des promesses de la COP26 aux actes, affirment une trentaine d'experts des droits de l'homme. https://news.un.org/fr/story/2021/12/1109972

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Moustapha SERME
Moustapha SERME
Jan 04, 2022

Toujours un plaisir de vous lire. VoicI un article qui décrypte les enjeux de l’environnement, les dangers qui menacent sa dégradation et les législations pour sa protection.

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