Espace de transition entre le désert saharien, au nord, et la zone soudanienne, au sud, le Sahel (Es-Sahel en arabe, littéralement « rivage » ou « bordure ») se présente sous la forme d'une bande d'environ 5 500 kilomètres de longueur sur 400 à 500 kilomètres de largeur.[1] Le Sahel désigne une bande de territoires marquant la transition à la fois floristique et climatique entre le domaine saharien au nord, et les savanes du domaine soudanien (à ne pas confondre avec les pays du même nom), où les pluies sont substantielles, au sud[2]. D’ouest en Est, il s’étend de l’Atlantique à la mer Rouge.
La définition de la zone couverte est très variable, selon les auteurs. Certains experts comme Yves Lacoste ont opté pour une définition large correspondant à la région délimitée par la mer Méditerranée au nord, la Mauritanie et l’océan Atlantique à l’ouest, le bassin de la mer Rouge à l’est, et le Tchad au sud, c’est-à dire la région géopolitique du Sahara au sens large au sein de laquelle se trouve le Sahel.
Le professeur Boureima Alpha Gado indique que, pour la définition la plus courte, « le Sahel est le domaine de transition entre le Sahara et le Soudan ou le point de contact entre les peuples du Nord et ceux de l’Afrique noire »[3].
« Rivage aride d’une mer abandonnée », ainsi que l’évoque Jean Gallais[4] , le Sahel africain, terme d’origine arabe, désigne traditionnellement le rivage ou la bordure méridionale du désert. Géographiquement, le Sahel africain, s’étendant de l’océan Atlantique à la mer Rouge, fait la transition entre le Sahara, plus grand désert du monde où il est impossible de cultiver, et la savane, où, à la faveur d’une pluviométrie suffisante, l’homme est en mesure de développer une agriculture, même rudimentaire. Les risques climatiques, source de sécheresse et d’une insécurité alimentaire chronique, caractérisent ce champ aux limites floues et mouvantes.
Cette définition axée sur le critère climatique ne livre pas plus que le cadre géographique. Le Sahel politique correspond à l’ensemble des pays réunis au sein du Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS)[5], et regroupe le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, auxquels se sont ajoutés le Cap-Vert et la Guinée-Bissau[6] . Compte tenu de l’avancée du désert, sans doute faut-il adjoindre la Libye, le Soudan, l’Éthiopie, la Somalie et le Kenya. La région du Sahel comprend le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Dans la mise en œuvre de son programme, l’UNODC établit des liens avec d’autres pays de la région comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Nigéria, le Sénégal et le Togo, selon le cas et la nécessité.[7]
La terminologie du Sahel est profusément contrastée. Mot arabe qui signifie littéralement rivage, le Sahel désigne aujourd’hui exactement le contraire de son sens d’origine. A priori, le Sahel serait là où la régularité des conditions de l’écologie et du climat rend à nouveau la vie possible après le franchissement particulièrement pénible de l’immense désert saharien. De nos jours, le Sahel est antinomique de sa propre signification.
Déjà à l’époque médiévale, les géographes arabes distinguaient, en se référant aux grands empires sahéliens, entre deux notions, celle de « Bilad es Seibâ »[8] et celle de « Bilad es Silm »[9]. Entre ces deux repères géographiques, il y a eu toujours des espaces d’indécision socio-politiques et militaires. Historiquement, la plus grande partie du territoire du Sahel se composait de zones grises qui s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres. Il s’agit d’un espace mouvant où des puzzles de terroirs, pratiquement incernables et indécis, oscillaient selon les dispositions des rapports de forces conjoncturels, entre les différents centres de décision politico-militaires, plus ou moins stables et sédentarisés situés sur les confins de cette région[10].
Les modes opératoires de gestion de l’espace sahélien n’avaient pas connu de changements véritables depuis des siècles. Les anciennes revendications territoriales, commerciales ou culturelles, notamment pour l’accès à l’eau, à la terre et aux ressources naturelles, s’imbriquent de nos jours, avec les nouvelles difficultés générées par la mondialisation des flux d’échanges planétaires. Les modes traditionnels d’exercice du pouvoir sur ces espaces charnières, sous-administrés et sous-défendus de tous les temps, se faisaient à travers des droits de passage, de protection et d’usufruits réclamés par les riverains. Affaiblis, voire neutralisés par la nouvelle notion de frontières, introduite par la colonisation, ces modalités s’avèrent aujourd’hui profitables à la pénétration et à la prolifération des groupes criminels avec autant de risques d’insécurité et de conflits dans cette région. En effet , ce fameux territoire du Sahel, vulnérable du fait même de sa géopolitique saharienne propice à la dilution des frontières et à la mobilité des personnes, des montures et des équipements, a été historiquement le théâtre éludé de nombreux flux ambulants : humains, marchands, financiers, culturels, religieux et militaire. Nonobstant, le champ sahélien n’obéit pas à un système de forces homogènes.
Il reste incapable de s’autoréguler, de parvenir à une certaine stabilité autour d’un ultime point d’équilibre. Les altercations au Sahel évoquent les dissonances d’un orchestre sans chef. Dans cette vaste région débridée, allant de l’Atlantique à la Somalie et de la Méditerranée au Golfe de Guinée, l’évaluation des enjeux de sécurité à travers le prisme des flux dévoile les parcours transsahariens qui, loin d’être des terroirs hermétiques et compartimentés, se chevauchent et se recoupent pour créer une multitude d’équations géopolitiques intangibles.
Il s’agit d’une zone dans laquelle les espaces lacunaires et les angles morts favorisent l’amplitude et l’imbrication des flux criminels de tous bords. Il serait vain alors, d’analyser séparément ces menaces tant elles sont étroitement juxtaposées et solidaires. L’insécurité, la criminalité organisée et le terrorisme ne peuvent être appréhendés sans les envisager comme un tout intégral. Du point de vue stratégique, d’importants changements géopolitiques sont survenus dans la région durant les dernières décennies. Des éléments nouveaux doivent être pris en compte pour mieux apprécier la situation des enjeux de stabilité au Sahel. Cette évolution concerne aussi bien les acteurs de la sécurité, la nature des menaces que la transformation de la notion même de sécurité.[11]
La fragilité endogène du Sahel découle d’une profonde vulnérabilité des États post-coloniaux qui en composent le tissu. Espace tampon, mais surtout espace de contacts et d’échanges, le Sahel ne cesse de développer une conflictualité endémique de plus en plus difficilement contrôlable. Dans cette région, les facteurs déstabilisateurs sont nombreux et variés : la fragilité structurelle et conjoncturelle de ses États, l’extrême pauvreté de ses populations, la sécheresse et la dégradation de son milieu naturel, les luttes internes de pouvoir qui y gangrènent, la militarisation croissante de ses rapports sociopolitiques, la forte pression de sa démographique, les conflits régionaux, l’insécurité généralisée et les velléités étrangères, qui la transforment en espace de confrontation géopolitique permanente.
Depuis des années, les pays du Sahel sont aux prises avec une succession de crises politiques et humanitaires. La précarité de la gouvernance et son effet sur les institutions étatiques, notamment la police insuffisante des frontières, ont dramatiquement réduit la capacité des États du Sahel d’assurer avec efficacité les services publics de base, de promouvoir une large participation à la vie politique et de défendre les droits de l’homme. Une corruption largement répandue, alors que les États sont incapables de fournir les services de base tels qu’une police efficace, la justice, la distribution de l’eau, des soins de santé abordables et l’éducation, explique l’élargissement de la fracture entre la société et l’État. En même temps, l’instabilité politique chronique, évidente dans les changements de régime non constitutionnels qui se produisent à répétition dans des consultations électorales marquées par la violence et dans des conflits sociaux, est le résultat direct de l’absence d’un débat politique institutionnalisé, de la fragilité des parlements et d’un appareil judiciaire qui est contesté.[12]
Par ailleurs, malgré les progrès importants réalisés au cours des dernières décennies, sans investissements supplémentaires, le Sahel risque de devenir d’ici 2030 la région recensant le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté au monde. Sécurité et développement doivent aller de pair afin de déjouer ce scénario[13]. D’ailleurs, en 2015, plus de la moitié des pauvres de la planète vivaient en Afrique subsaharienne et c’est dans cette région et en Asie du Sud que se concentraient 85 % des personnes pauvres[14].
Toutefois, dans le cadre de cette étude, nous retiendrons une définition du Sahel qui dépasse, sans les exclure, les considérations purement géographiques. La définition géopolitique du Sahel extensif s’étend à l’arc de crise reliant le Soudan à la Mauritanie et incluant le Tchad, le Niger, le Mali, le Sud algérien et son prolongement marocain jusqu’à l’Atlantique[15]. Cette définition nous semble mieux correspondre aux objectifs de cette étude qui vise à identifier notamment les défis sécuritaires comme source d’insécurité et d’instabilité avérée ou potentielle capable de déstabiliser ce théâtre stratégique significatif[16] .
Les défis sécuritaires peuvent être perçus comme l’ensemble des défis qui sapent le bon fonctionnement des institutions étatiques et qui peuvent comprendre aussi bien la corruption généralisée, la pauvreté endémique, la mauvaise redistribution des ressources de l’État, le terrorisme transsaharien, les trafics de drogue, d’êtres humains, la vente d’armes, la contrebande de cigarettes, la prise d’otages, le blanchiment d’argent, et la crise identitaire touareg.
Le Sahel donc confronté à la fois à des problèmes d'extrême pauvreté, aux effets du changement climatique, à des crises alimentaires fréquentes, à une croissance rapide de la population, à une gouvernance fragile, à la corruption, à des tensions internes persistantes, au risque de radicalisation et d'un extrémisme violent, aux trafics illicites et aux menaces que le terrorisme fait peser sur la sécurité.
Les Etats de la région du Sahel sont directement confrontés à ces problèmes. Les trois (03) principaux Etats sahéliens concernés sont la République Islamique de Mauritanie, la République du Mali et la République du Niger. Mais les conditions géographiques et les problèmes qui y sont liés ont aussi des conséquences sur certaines zones du Burkina Faso et de la République du Tchad.
En outre, ces dernières années, les pays susmentionnés sont fortement touchés par le phénomène du terrorisme.
Pour rappel, le terrorisme quoi que controversé est défini comme :
a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités en annexe ; ou
b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une Organisation Internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque[18].
Les traces les plus anciennes de terrorisme organisé remontent en 63 av. JC, parmi la « secte-tueuse » des zélotes. Ce sont les instigateurs de la révolte contre Rome et de la première guerre judéo-romaine. La secte Zélotes constitue l’un des premiers groupes ayant pratiqué la technique de la terreur de manière systématique et dont l’on possède aujourd’hui une trace écrite. Les romains emploient le terme sicarii pour désigner les Zélotes[19]. La cause immédiate de la rébellion de juifs contre Rome fut le recensement entrepris par les autorités dans l’empire durant les premières années de notre ère. Ce dernier fut ressenti comme une humiliation par les juifs. Dans la mesure où il démontre clairement que les juifs étaient soumis à une autorité étrangère[20]. Pour certains, le terrorisme prend son essor avec le groupe des Assassins connu à l’époque de Marco Polo pour leurs attentats-suicides. Pour d’autres encore, le terrorisme apparaît en 1793 à travers « la doctrine des partisans de la terreur », terreur qui opposa les girondins à Robespierre et autres montagnards. Il s’agit alors d’un terrorisme d’Etat contre le peuple.
Depuis, le terrorisme a bien évolué. C’est au XIXème siècle que l’on désigne le terrorisme d’attentats et non plus d’Etat. Il est alors dirigé par des individus ou groupes isolés contre l’Etat[21].
Pour François-Bernard Huyghe, médiologue et essayiste français, il y a plusieurs types de terrorisme :
En premier lieu, il existe un « terrorisme révolutionnaire ». Il s’agit du terrorisme révolutionnaire russe de 1878 aboutissant à l’assassinat du Tsar Alexandre II qui avait pour but de « tuer une idée » en tuant un homme (Albert Camus)[22]. Mais il s’agit également des mouvements populistes russes, anarchistes français, ou encore du mouvement aboutissant à l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand et qui sera à l’origine de la Première Guerre Mondiale.
En second lieu, il y a un « terrorisme territorial » « indépendantiste ou anticolonialiste », suivant la période de décolonisation, lui succéda. Son enjeu est la réappropriation de terres. Il sera mené par des groupes tels que l’IRA (Irish Republican Army, qui avait pour but de délivrer l’Irlande de la tutelle britannique) ou l’ETA (qui s’opposait au régime de Franco pour la liberté du pays Basque).
La période de la Guerre Froide apportera son lot de mouvements terroristes divers et diffus en Europe. Au cours des années 60, en Allemagne, la Bande Baader-Meinhof, mouvement de gauche prônant l’anticapitalisme combattit l’Etat allemand le jugeant encore aux mains des nazis. En Italie, dans les années 70 se développent les brigades rouges qui visent à affaiblir la démocratie italienne.
En dernier lieu, une nouvelle forme de terrorisme apparait : le «terrorisme « instrumental ». C’est un terrorisme transnational qui recouvre un objectif précis, par exemple la libération de prisonniers. Son action est principalement dirigée contre une autorité.
De nos jours, le terrorisme le plus répandu est celui d’inspiration religieuse, sectaire. Ainsi, le terrorisme mystique de Ben Laden par le biais de l’organisation Al-Qaïda apparu lors des attentats du 11 septembre 2001. Le terrorisme d’Al- Qaïda est une prolongation de la guerre sur un terrain qui est censé être préservé. Il se construit comme une réponse guerrière à l’impressionnante domination militaire Occidentale[23].
En outre, les attentats de 11 septembre ont définitivement marqué le début de la lutte acharnée contre le terrorisme telle qu’on la connait aujourd’hui. La cruauté, l’ampleur des actes perpétrés font qu’une réponse globale s’est avérée nécessaire et indispensable. Cette réponse s’est traduite entre autres par l’adoption de la résolution 1373 du 28 septembre 2001 qui contraint tous les Etats membres des Nations Unies à mettre en œuvre un « un gel de fonds et autres avoirs financiers » pour les personnes qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, c’est-à- dire pour tous ceux qui participent ou impliqués, d’une certaine façon dans ces actes criminels. C’est ainsi que le conseil de sécurité des Nations (CSNU) a créé des blacklist[24].
Les attentats du 11 septembre perpétrés sur le sol des Etats-Unis s’inscrivent dans ce qui a été qualifié de mouvement de « mondialisation » du terrorisme. C’est par une stratégie extraterritoriale que des organisations transnationales terroristes recherchent la frappe la plus spectaculaire de l’opinion publique internationale. Plusieurs étudiants appartenant à l’Anjoman islamie , groupe islamiste iranien, s’étaient inscrits dans les universités américaines . Leur tâche consiste à se tenir informer de la politique des Etats-Unis à l’égard du Moyen-Orient et à coordonner des futures attaques terroristes[25].
Le terrorisme, comme pièce maîtresse des défis sécuritaires, est un phénomène mondial qui ne connaît aucune frontière, comme l’a souligné le professeur Gnahoui[26] C’est un fléau qui nécessite la coordination des efforts de toute la communauté internationale pour le combattre. Mais ce combat ne peut se faire que dans le cadre du respect des règles du droit international contenues dans les instruments juridiques, universels et régionaux. Pour une meilleure prise en compte de cette violence, les États africains ont signé ou ratifié la plupart des conventions universelles de lutte contre le terrorisme.
Ce combat constitue, pour l’Afrique, un impératif absolu, car beaucoup de pays africains ont été et continuent d’être victimes du terrorisme[27]. L’Afrique en général, et le Sahel en particulier, sont le terreau fertile de la criminalité organisée et donc des groupes terroristes pour accomplir leur forfait, y résider, ou pour se former. Ceci est dû notamment à la déliquescence des États qui les composent.
Par ailleurs, les pays dits pays du G5 Sahel constituent donc un espace regroupant la plus grande concentration des menaces sur la paix, la sécurité et le développement. Ils sont homogènes au plan de leurs caractéristiques physico-naturelles, de leurs indicateurs de développement socio-économique, et aussi homogènes de par l’histoire, la géographie et la culture ou même d’un point de vue géopolitique.
Créé le 17 février 2014[28], le G5 se fonde sur le constat d’une similitude géographique, historique, culturelle et linguistique et d’une même série de vulnérabilités sécuritaires. Il a été constitué en réaction à l’aggravation de la crise malienne et de ses impacts régionaux. La situation sécuritaire de l’aire G5 et de la (BSS) additionne des menaces complexes et durables : terrorisme, criminalité et trafics illicites, rebellions armées résurgentes, conflits intercommunautaires.
La faiblesse des capacités des forces de sécurité des cinq États et leur inadaptation aux nouvelles menaces a conduit depuis le début de la décennie à un accroissement notable des présences militaires étrangères (France, États-Unis…) et internationales (MINUSMA…).
Dans ce contexte, l’objectif central et prioritaire du G5 tel qu’affiché est celui de la gestion des espaces frontaliers et en parallèle de la coordination des politiques de sécurité et de développement des cinq pays membres, et celles des autres acteurs régionaux et internationaux destinées à apporter des réponses effectives aux différentes composantes de la crise.[29]
Récent et mal documenté, le G5 Sahel s’est pourtant rapidement imposé comme une alternative aux autres structures interétatiques existantes. Appuyé par la France, puis l’Union européenne, il s’impose peu à peu sur d’autres organisations sous-régionales telles que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en particulier son comité des chefs d’état-major. Si le G5 ne se pense pas exclusivement en organisation internationale de défense et de sécurité, mais aussi en instrument du développement régional, c’est pourtant bien sur le thème de l’insécurité et de la lutte contre le terrorisme qu’il est le plus visible.[30]
En effet, la création du G5 Sahel a été sous-entendue par la volonté politique marquée et par l’engagement des chefs-d’Etats de souscrire les préoccupations communes de sécurité et de développement, mais aussi et surtout de démocratie afin de s’approprier en toute responsabilité la souveraineté sur leur destin, dans un esprit de coopération mutuellement bénéfique.
Depuis sa création en février 2014, le G5 Sahel a multiplié les annonces et les initiatives, conformément à l’image d’une organisation en pleine montée en puissance et répondant à un besoin clairement exprimé par les différents acteurs sahéliens et leurs partenaires. Ses atouts sont en effet pluriels : format réduit avec cinq pays (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso) aux problématiques partagées ; focalisation sur les espaces frontaliers et la coopération pour répondre à des menaces aux ramifications transnationales ; implication des États sahéliens permettant de renforcer l’appropriation locale avec une approche bottom-up et non plus top-down.
Mieux, en peu de temps, le G5 Sahel s’est affirmé comme un acteur sécuritaire majeur dans la région[31]. Cependant, au regard des ambitions affichées par la Convention donnant naissance à la jeune organisation régionale, les défis restent nombreux. La jeune organisation s’inspire en effet du modèle Soudano-Tchadien de gestion commune de la frontière[32]. Ainsi, ayant parfaitement conscience d’énormes ressources que nécessitent tous ces défis, le G5 Sahel a multiplié les accords de coopération avec les acteurs régionaux et internationaux, tout en s’adossant financièrement à une série de bailleurs dont l’Union Européenne.
C’est donc à juste titre, que l’objet de notre étude porte sur cette question : le G5 Sahel et la coopération internationale.
Avant tout travail, il faut définir les mots clés pour mieux appréhender les éléments du sujet. Comme l’a écrit Charles Eisen Mann, « il faut nécessairement commencer par résoudre clairement le problème de fixation des concepts qui forment l’armature d’un thème, sinon on discuterait dans l’obscurité en vain[33]».
Le G5 Sahel ou « G5S » est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité[34]. Suivant l’article premier de la convention portant création du G5 Sahel, « Il est créé entre le Burkina Faso, la République du Mali, la République Islamique de Mauritanie, la République du Niger et la République du Tchad un cadre institutionnel de coordination et de suivi de coopération régionale dénommée G5 Sahel »[35].
Les objectifs de cette organisation sont de 4 ordres : Il s’agit,
i) de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres; (ii) d’offrir un cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vie des populations; (iii) d’allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique et (iv) de promouvoir un développement régional inclusif et durable[36].
Ainsi, pour mettre efficacement en œuvre ces objectifs, les actions du G5 seront consacrées :
au renforcement de la paix et de la sécurité dans l’espace du G5 Sahel; au développement des infrastructures de transport, d’hydraulique, d’énergie et de télécommunications; à la création des conditions d’une meilleure gouvernance dans les pays membres; au renforcement des capacités de résilience des populations en garantissant durablement la sécurité alimentaire, le développement humain et le pastoralisme[37].
Il s’agira à terme de « Faire des pays du G5 Sahel un espace économiquement intégré, socialement prospère, culturellement riche, où la sécurité et la paix règnent durablement, en se fondant sur l’état de droit, la bonne gouvernance et la démocratie, par la création d’une communauté moderne ouverte à l’innovation et à la technologie, unie, solidaire et tolérante, contribuant efficacement à l’amélioration constante de la qualité de vie de toutes ses populations à tous les niveaux».[38]
En ce qui concerne la coopération, elle peut être définie comme une forme d'organisation collective qui entend promouvoir dans le domaine économique et social un système fondé sur une vision partagée des différents acteurs, dans un esprit d'intérêt général, au service de toutes les parties prenantes. Cela suppose un certain degré de confiance et de compréhension. La coopération, antagoniste à l'esprit de concurrence entendu sous sa forme libérale, conduit à réviser les modes de fonctionnement ainsi que les relations économiques pour les subordonner à la réalisation de finalités plus sociales et plus solidaires. Cette recherche du bien commun peut se manifester sous une pluralité de formes[39].
Il faut préciser que cette dernière est dite internationale en ce sens qu’elle dépasse le périmètre d’un Etat isolement pris. Elle peut en effet entre autres être bilatérale, multilatérale dans les domaines aussi variés que divers.
La coopération pour le développement est une expression qui peut être employée dans deux sens différents. Elle recouvre d'abord une série d'opérations qui se situent dans des secteurs variés selon des modalités diverses ; ainsi par exemple elle est culturelle ou technique[40]. La coopération culturelle définie comme un change entre deux entités afin de faire connaître à chacun ses ressources culturelles, par exemple par l'échange de connaissances, d'artistes, etc.[41]
On peut considérer que le développement revêt globalement deux dimensions. La première recouvre l’infrastructure matérielle, notamment les bâtiments, les services publics, les transports et les équipements nécessaires pour produire. La seconde renvoie aux compétences et aux aptitudes à produire dont dispose l’économie.
La Coopération Technique (CT) relève de la seconde dimension et englobe des activités destinées à accroître les capacités des pays en développement. Elle peut à son tour être subdivisée en deux catégories, sachant que le résultat visé peut être obtenu soit par la mise à disposition directe d’intervenants extérieurs possédant certaines compétences, soit par des actions visant à renforcer les capacités de la population locale[42].
La coopération internationale (notamment dans le cadre de l’ONU) est présentée par la Déclaration et le Programme d'action comme la condition de l'exercice effectif du droit à la « souveraineté permanente intégrale sur les ressources naturelles et les activités économiques » par les pays du Tiers Monde. La coopération internationale, si elle est convenablement organisée, peut en effet faciliter le contrôle et la mise en valeur de leurs ressources naturelles (et notamment des matières premières qu'ils exportent) par les pays en voie de développement[43].
Dans le cadre de cette étude, les domaines de coopération sont essentiellement caractérisés par le domaine sécuritaire ou militaire, économique, culturel, politique, financier etc.
L’étude d’un tel sujet présente un double intérêt en ce sens qu’elle nous permet de cerner la notion des défis économiques, politiques et sécuritaires au sein de cette région et qui, par ailleurs, sape la bonne marche des institutions des États du G5 Sahel. Par conséquent, il faut les contrer en adoptant des mesures efficaces et idoines.
L’actualité du sujet nous donne à analyser le problème de l’insécurité au sein du G5 Sahel. Il importe de préciser qu’au fil du temps, le défi majeur des pays du G5 Sahel semble l’insécurité. En effet, l’insécurité n’est pas un phénomène nouveau dans la bande sahélo-saharienne.
D’abord, elle est liée depuis longtemps à la violence des régimes autoritaires et dictatoriaux d’une part, et d’autre part, aux crises économiques et à leurs conséquences sociales qui ont plongé la quasi-totalité de la population africaine dans la pauvreté. Ensuite, elle est la résultante des guerres civiles et de leur cortège de réfugiés et de personnes déplacées. Enfin, elle est prolongée par les calamités naturelles de toutes sortes ainsi que les pandémies.
Mais de nos jours, l’insécurité est plutôt imputable au terrorisme et au crime organisé qui lui est souvent associé, et qui sèment la terreur dans de nombreuses parties du continent africain, particulièrement dans les pays susmentionnés. Comme en témoignent les attentats meurtriers perpétrés par AQMI[44] et de Boko Haram[45] entre autres. C’est la raison principale qui fait que les autorités des pays de cette organisent font de la sécurité en général et de la lutte contre le terrorisme en particulier, une priorité. Même si celles-ci n’occultent forcément pas les défis d’ordre économique, social, culturel etc.
Article n°2, à lire prochainement...
[2] WIKIPEDIA. SAHEL. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahel
[3] BOUREIMA ALPHA GADO. « Concepts et approches pour une définition de l’espace sahélien », Revue Afrique et Développement, vol. XVII, n° 4, 1993
[4] Jean GALLAIS. Hommes du sahel. Paris, Flammarion, coll. « Géographes », 1984, p. 8.
[5] Le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) a été créé le 12 septembre 1973 à la suite des grandes sécheresses qui ont frappé le Sahel dans les années 70. https://www.cilss.int/index.php/640-2/ .
[6] Mehdi TAJE, « Sécurité et stabilité dans le Sahel africain ».
Décembre 2006. Ed : Jean DUFOURCQ et Laure BORGOMANO
LOUP, p. 6.
[7] Rapport d’activité ONUDC (Janvier 2016), Programme Sahel 2013-2017 : « Renforcer le Sahel contre le crime et le terrorisme ». Disponible sur https://www.unodc.org/documents/westandcentralafrica/Programme_Sahel_-_Rapport_dactivite_Janvier_2016.pdf , consulté le 04 juin 2020.
[8] Pays de la dissidence.
[9] Pays de la paix.
[10] Mohamed Saleck, « une géopolitique de l’invisible ! » Disponible sur https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/sahel-une-geopolitique-de-l-86235 .
[11] Ibedem
[12] Rapport du Secrétaire général sur la situation dans la région du Sahel. Disponible sur https://reliefweb.int/report/mali/rapport-du-secr%C3%A9taire-g%C3%A9n%C3%A9ral-sur-la-situation-dans-la-r%C3%A9gion-du-sahel-s2013354 .
[13] Alliance SAHEL : « Investir dans l'avenir du Sahel ». Disponible sur file:///C:/Users/CBS/Downloads/alliance-sahel-dossier-presse.pdf .
[14] Rapport 2018 sur la pauvreté et la prospérité partagée : compléter le puzzle de la pauvreté. Disponible sur https://www.banquemondiale.org/fr/research/brief/poverty-and-shared-prosperity-2018-piecing-together-the-poverty-puzzle-frequently-asked-questions .
[15] Mehdi TAJE, Ibidem
[16] Rodrigue NANA NGASSAM. « Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi, une menace stratégique ? ». Mémoire de master 2 science politique- option : études internationales. Université de Douala –
Cameroun. 2013. p.3 (consulté le 02 Juin 2020).
[18] Article 2 (b) de la Convention Internationale pour la répression du financement du terrorisme (1999)
[19] SICARII : terme utilisé par les romains pour désigner les zélotes, terme générique qui vient du mot sicarius ,
[20] A. BLIND G.CHALIAND: histoire du terrorisme. Paris, éd. Bayard, Nouvelle ; 718p ; P 63
[21] D. BRENDEL « une petite histoire du terrorisme » disponible sur www.jac-cerdac.fr , consulté le 16 septembre 2O19.
[22] « Le révolutionnaire est un homme perdu d’avance. Il n’a pas d’intérêts particuliers, d’affaires privées, de sentiments, d’attaches personnelles, de propriété, il n’a même pas de nom » Serguei Netchaïev , catéchisme révolutionnaire.
[23] L. FRANCOIS, (al) : blanchiment et financement du terrorisme, préface de l’amiral, édition pierre Lacoste (ellipses) ; 2004 ; 144p ; pp15-16
[24] Document ressemblant les individus terroristes jugés les plus dangereux suite aux attentats du 11 septembre 2011
[25] L. NAPOLEONI, Qui finance le terrorisme international ? IRA, ETA, AL-QAIDA … Les dollars de la terreur, collection Frontières, éd Autrement, 2005 ,358 p (p 26).
[26] David GNAHOUI ROCH, « Le terrorisme : cadre juridique au plan de l’Union africaine », in Ghislaine DOUCET (dir.), SOS ATTENTATS, terrorisme victimes et responsabilité pénale internationale, Calmann-Lévy, 2003, pp. 102-109
[27] Nfally CAMARA, « La lutte contre le terrorisme en Afrique : Contribution à l’étude de la pertinence des instruments juridiques de lutte contre le terrorisme en Afrique », thèse de doctorat, UCAD, 2013, p. 48.
[28] La Convention portant sa création n’a été adoptée qu’en décembre 2014, à Nouakchott.
[29] Hugo SADA : quel avenir pour le G5 ? Disponible sur https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-du-monde-arabo-musulman-et-du-sahel/quel-avenir-pour-g5-2017 .
[30] Sergei BOEKE, Grégory CHAUZAL : LE G5 SAHEL : UNE AVANCÉE DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE POUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ ? Disponible sur https://www.researchgate.net/publication/339746901_Le_G5_Sahel_une_avancee_de_la_cooperation_regionale_pour_la_paix_et_la_securite .
[31] Antonin Tisseron, « G5 Sahel : une simple organisation de plus ? » Disponible sur https://grip.org/sites/grip.org/files/BREVES/2015/EC_2015-03-25_FR_A-TISSERON.pdf.
[32] Rapport annuel mondial sur le système «économique et les stratégies, (Institut Français des Relations Internationales). Disponible sur https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2019_sommaire.pdf .
[33] Cite par MEKINDA BENG A., « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans la conjoncture institutionnelle actuelle des Etats du tiers monde en mutation », article no 58/2004, p. 505
[34] WIKIPEDIA https://fr.wikipedia.org/wiki/G5_Sahel , consulté le 15 juin 2020.
[35] Convention portant création du G5 Sahel, 16 février 2014.
[36] Ibid à l’article 4
[37] Ibid à l’article 5.
[38] Stratégie pour le développement et la sécurité des pays du G5 Sahel. Disponible sur https://www.g5sahel.org/images/Docs/SDS_G5S_VF.pdf.
[40] Maurice FLORY, Éssai de typologie de la coopération bilatérale pour le développement. In: Annuaire français de droit international, volume 19, 1973. pp. 696-719. Disponibles sur https://www.persee.fr/docAsPDF/afdi_0066-3085_1973_num_19_1_2233.pdf.
[42] Revue de l'OCDE sur le développement 2006/1 (n° 7), P292, édition l'OCDE, pp 121 à 144.
[43] Touscoz Jean. La coopération internationale et les matières premières exportées par les pays du Tiers Monde : les conditions d'un échange égal. In: Tiers-Monde, tome 17, n°66, 1976. PP 545
[44] Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) (en arabe : تنظيم القاعدة في بلاد المغرب الإسلامي, Tanzim al-Qâ’ida bi-Bilâd al-Maghrib al-Islâmi, « l'Organisation d'Al-Qaïda aux Pays du Maghreb Islamique ») est un groupe armé et une organisation terroriste, née le 25 janvier 2007. Avant son allégeance à Al-Qaïda, elle était connue sous le nom de Groupe salafiste pour la prédication et le combat, un groupe algérien issu d'une dissidence du Groupe islamique armé.
Si les racines du groupe se trouvent en Algérie, sa zone d'opération actuelle correspond à la région du Sahel, qui borde au sud le désert du Sahara, dans ses parties mauritanienne, malienne et nigérienne. Il est également présent en Tunisie et en Libye et se maintient en Algérie dans les montagnes de Kabylie. WIKIPEDIA : https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Qa%C3%AFda_au_Maghreb_islamique.
[45] Le Groupe sunnite pour la prédication et le djihad (arabe : جماعة اهل السنة للدعوة والجهاد, « Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'Awati Wal-Jihad »), plus connu sous le surnom de Boko Haram, est un mouvement insurrectionnel et terroriste djihadiste. Formé en 2002 à Maiduguri par le prédicateur Mohamed Yusuf, le groupe est à l'origine une secte qui prône un islam radical et rigoriste, hostile à toute influence occidentale. En 2009, Boko Haram lance une insurrection armée dans laquelle Mohamed Yusuf trouve la mort. En 2010, Abubakar Shekau prend la tête du mouvement qui devient un groupe armé et se rapproche des thèses djihadistes d'Al-Qaïda, puis de l'État islamique.
Le 7 mars 2015, Boko Haram prête allégeance à l'État islamique, que ce dernier reconnaît officiellement cinq jours plus tard. Le groupe prend alors le nom d'État islamique en Afrique de l'Ouest ou de Province d'Afrique de l'Ouest de État islamique. Mais en août 2016, il se scinde en deux : Abubakar Shekau est écarté par l'État islamique pour « extrémisme » et est remplacé par Abou Mosab al-Barnaoui. Opposé à cette décision, Shekau prend alors la tête d'une faction qui réadopte son ancien nom de « Groupe sunnite pour la prédication et le djihad », tout en maintenant son allégeance à l'État islamique.
Le mouvement est à l'origine de nombreux massacres, attentats et enlèvements à l'encontre de populations civiles de toute confession, au Nigeria mais aussi au Cameroun, au Niger et au Tchad. Il est responsable de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité9 et est classé comme organisation terroriste par le Conseil de sécurité des Nations unies le 22 mai 2014. WIKIPEDIA : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boko_Haram.
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