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Pourquoi la disparition du G5 Sahel était prévisible? Suite…


 

III.             UN LARGE ÉVENTAIL DE COOPÉRATIONS

 

 

Depuis sa création, on observe de plus en plus l’émergence de nouvelles pratiques de fonctionnement des organes du G5 Sahel et de son processus décisionnel. Ces pratiques démontrent une certaine flexibilité de l’ensemble. En effet, l’amélioration de la mise en œuvre des décisions émanant des organes décisionnels du G5 Sahel (Conférence des chefs d’États, Conseil des ministres, Comité de Défense et de Sécurité) passera par un renforcement, en moyens humains, financiers et juridiques, du SP-G5S et une consolidation du rôle d’impulsion que joue la présidence en exercice. 

 

La pérennité et la viabilité des projets notamment du pilier Défense et Sécurité, passeront par une meilleure répartition des responsabilités et du fardeau financier entre les Partenaires Techniques et Financiers (PTF), le ou les États hôtes et la tutelle régionale qui doit incarner une volonté politique régionale partagée.

 

Conscient de tout cela, le G5 Sahel a diversifié ses partenaires en matière de coopération dans les domaines aussi variés que divers.

 

Notre analyse dans cette partie porte sur une coopération efficace entre le G5 Sahel et les PTF : gage de sécurité. En effet, le G5 Sahel peine à opérationnaliser le nexus sécurité -développement à cause de la faiblesse des outils à la disposition du SP-G5S, seule structure permanente du G5 Sahel, pour articuler le PIP et la FC-G5S. Les défis auxquels la FC-G5S devra faire face avant d’être un acteur de sécurisation des actions de développement et un facilitateur du retour des services publics sont grands.

 

Néanmoins, il est évident que les différents acteurs impliqués au Sahel, qu’ils soient militaires ou du développement, permettent au G5 Sahel d’atteindre ses objectifs ambitieux.

Ainsi, on observe une multitude d’initiatives de coordination (A) et une forte densité de partenariats militaires (B).

 

A.    Une multitude d’initiatives de coordination

 

Ici, il s’agit d’examiner la portée d’intervention de l’Alliance Sahel l’espace Sahélien (1) mais également de celle de  la régionalisation des actions de l’AFD (2).

 

1.      l’Alliance Sahel, une coordination prometteuse

 

L’idée de créer un cadre d’échange et de coordination entre les bailleurs n’est pas nouvelle. Début 2013, les Nations unies avaient initié une dynamique de coordination qui, paradoxalement, s’était retrouvée paralysée par le lancement du G5 Sahel. Le plan imaginé par l’ancien Envoyé spécial du Secrétaire général, Romano Prodi, consistait en la création d’un mécanisme composé, tout d’abord, d’une « plate-forme de coordination » au sein de laquelle un dialogue entre bailleurs et États de la région aurait permis de faire converger les besoins avec les offres de financement, et, ensuite, d’une « plateforme de financement » qui aurait joué à la fois un rôle de « coordination hub » et de fonds fiduciaire. Dans le rapport de présentation de la SINUS, le SGNU ambitionnait que ce « fonds d’action pour le Sahel » soit géré par un « pool d’institutions » animé par la BAD, avec l’appui de la BM.

 

Annoncée par le président français, le 2 juillet 2017, lors du Sommet du G5 Sahel, l’Alliance pour le Sahel fut officiellement lancée avec la Chancelière allemande, Angela Merkel, le 13 juillet à Paris, aux côtés de la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Federica Mogherini. D’autres bailleurs ont progressivement rejoint l’initiative, comme la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale (BM) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Luxembourg, le Danemark et les Pays-Bas. Cette plate-forme de bailleurs de fonds vise à définir des objectifs communs, à coordonner leurs actions, à rapprocher les projets des acteurs locaux et enfin à permettre une accélération des procédures des bailleurs pour obtenir des résultats à court et moyen termes dans la région[1]. Et donc c’est pour promouvoir, amplifier et accélérer l’approche intégrée de sécurité et de développement du Sahel que l’Alliance Sahel a été créée[2].

 

L’Alliance pour le Sahel (APS) associe les principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux des pays du Sahel dans le domaine du développement. Elle n’est pas conçue comme une « nouvelle structure » mais comme un outil pour renforcer la coordination et mobiliser les bailleurs de fonds pour que l’aide apportée au Sahel gagne en rapidité, efficacité et soit mieux ciblée[3]. Dans le cadre de ce dispositif, la France a décidé de consacrer 200 millions d’euros supplémentaire, sur six ans, aux pays du G5S[4].

 

Avec l'objectif d’apporter une réponse efficace et structurée aux défis auxquels font face les pays sahéliens, les membres de l’Alliance Sahel ont choisi de concentrer leurs efforts dans six secteurs prioritaires, en accord avec les priorités de développement établies par les pays du G5 Sahel. Centrés sur un ou plusieurs de ces derniers, les projets de l’Alliance Sahel ont pour objectif d'avoir un impact rapide sur les populations[5]. Ces secteurs sont : agriculture, développement rural et sécurité alimentaire, décentralisation et services de base, éducation et emploi des jeunes, énergie et climat, gouvernance, sécurité intérieure.

 

Concernant le premier secteur : agriculture, développement rural et sécurité alimentaire, il faut noter qu’au Sahel, deux habitants sur trois vivent de l’agriculture et de l’élevage. Pourtant, avec de faibles rendements et la perte chaque année de plus du tiers des récoltes, la production reste fragile. Une situation aggravée par le changement climatique. La région doit donc impérativement développer une agriculture durable, résistante au changement climatique et susceptible d’attirer les demandeurs d’emploi pour réduire la pauvreté. Elle doit également gérer les conflits entre agriculteurs et éleveurs[6].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

·         renforcer la résilience de la production agricole et pastorale ;

·         pacifier les relations entre les agriculteurs et les éleveurs ;

·         augmenter les investissements publics en faveur des zones vulnérables dans le domaine agricole et pastoral ;

·         réduire la malnutrition et l’insécurité alimentaire ;

 

S’agissant du deuxième secteur : décentralisation et services de base, on note en effet que la disponibilité et la qualité des services publics de base sont faibles dans les pays du G5 Sahel. La région affiche un taux élevé de mortalité infantile (avant 5 ans), l’accès à l’eau potable, aux soins de santé primaire ou à la protection sociale reste limité. La fourniture de ces services permettrait d’accélérer le développement de la région, mais également d’accroître la légitimité et la confiance des citoyens dans les institutions publiques. La décentralisation et déconcentration des services publics permettraient donc d’assurer la fourniture de ces services et de rapprocher les élus et les administrations de leurs citoyens, grâce au transfert des moyens et de la gestion budgétaire au niveau des collectivités locales[7].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

·         améliorer l’accès des populations aux services de base ;

·         augmenter les ressources financières locales afin d’améliorer les services ;

·         augmenter la capacité des autorités à assurer leurs mandats ;

Pour qui est du troisième secteur à savoir : l’éducation et l’emploi des jeunes, il faut souligner que la natalité reste forte dans les pays du G5 Sahel alors que l’espérance de vie augmente. Pour que ces pays puissent tirer profit de ce dividende démographique, l'Alliance Sahel soutient la création d'opportunités économiques pour les jeunes et l'amélioration de leur accès à l’éducation et à des formations de qualité, adaptées aux besoins du marché[8].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

  • généraliser le développement des compétences de base des jeunes en assurant leur scolarisation complète dans un enseignement fondamental (primaire et secondaire) de qualité et en réduisant les disparités géographiques, sociales et de genre ;

  • développer massivement la formation des jeunes adaptée au marché de l’emploi, la structuration des économies et les politiques de développement, en particulier pour le monde rural ;

  • favoriser l’emploi des jeunes, en particulier les plus vulnérables, en soutenant des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi, des dispositifs de création d’emplois, l’auto-emploi et les activités génératrices de revenu.

 

Quant au quatrième secteur en l’occurrence l’énergie et le climat, il faut préciser que le taux d’électrification dans l’ensemble des pays du G5 Sahel est d’environ 20%. Un taux deux fois inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et quatre fois inférieur à la moyenne mondiale.

 

L’électricité est avant tout un service public, caractérisé par l’absence de concurrence et une production trop limitée pour faire face à la demande. Les sociétés en charge des réseaux sont fragiles sur le plan technique et financier. L’amélioration des services publics d’électricité passe donc par une gestion plus efficace du secteur, afin de réduire les pertes, d’améliorer la santé financière des opérateurs et de faire en sorte que les populations aient accès à une électricité fiable, propre, et abordable.

 

L’électrification se fait essentiellement par connexion au réseau, du fait du manque de financement pour développer les énergies renouvelables malgré le fort ensoleillement dont bénéficie la région. De ce fait, l’innovation est l’autre facteur clé de développement du secteur électrique. Il faut trouver des solutions innovantes pour réduire le coût des énergies nouvelles, améliorer l’efficacité des appareils, numériser les infrastructures et les services décentralisés[9].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

·         promouvoir un accès universel à des services d’électricité fiables, durables et modernes, en apportant une attention particulière à l’accès en milieu rural ;

·         améliorer la sécurité de l’approvisionnement en portant une attention particulière aux énergies renouvelables et aux interconnexions régionales.

 

Pour ce qui est de l’avant dernier secteur, c’est-à-dire la gouvernance, malheureusement, les pays du G5 Sahel sont confrontés à un déficit de gouvernance institutionnelle, territoriale et financière. Les citoyens réclament plus de justice et des institutions publiques en phase avec leurs besoins. Ils souhaitent aussi participer davantage à la vie démocratique de leur pays. Du fait des lenteurs administratives, de la corruption et la faible redistribution des ressources, les citoyens ont peu confiance en leur gouvernement. L’Alliance peut contribuer, avec l’aide des Etats et l’appui de la société civile, à renforcer le contrat social à chaque échelon territorial[10].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

·         renforcer l’État de droit par un meilleur rendu de la justice ;

·         améliorer l’efficacité de l’administration ;

·         favoriser la contribution des citoyens à l’élaboration des politiques publiques ;

·         améliorer la gestion et assainir les finances publiques ;

 

Enfin , quant au dernier secteur, il est à constater que la multiplication des menaces transfrontalières dans la région (terrorisme, trafics, crime organisé), pèse sur les forces de sécurité intérieure qui manquent de moyens humains, financiers et matériels, et ont du mal à définir des priorités communes claires. L’Alliance soutient ces Forces de sécurité intérieure (FSI) en répondant aux enjeux de développement. Elle intervient notamment pour assurer la protection de la population, établir une relation de confiance entre les FSI et les citoyens, tout en renforçant leurs capacité[11].

 

Les objectifs à atteindre dans ce secteur sont les suivants :

·         redéployer les forces de sécurité intérieure pour faire face aux menaces, notamment dans les zones les plus fragiles ;

·         réduire toutes les formes de violence, les taux de mortalité associés et renforcer la confiance des populations envers les forces de sécurité intérieure ;

·         refondre de manière durable les appareils sécuritaires des pays du G5 Sahel.

 

En outre, dans la perspective de renforcer les efforts des pays du G5 Sahel, une coalition appelée « Coalition pour le Sahel[12] » a été annoncée lors du sommet de Pau le 13 janvier 2020, par les chefs d’Etats de la France, du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, en présence du Secrétaire général des Nations unies, du président du Conseil européen et du Haut représentant de l’Union européenne, du président de la Commission de l’Union africaine et de la Secrétaire générale de la Francophonie. En effet, dans un contexte sécuritaire et humanitaire dégradé, cette initiative propose un nouveau cadre à l’action internationale, à travers quatre piliers complémentaires, qui disposent chacun de leur pilotage en propre[13].

 Ces quatre piliers sont : Pilier 1 lutter contre les groupes armés terroristes[14], pilier 2 renforcer les capacités des forces armées des États de la région[15], Pilier 3 soutenir le retour de l’État et des administrations sur le territoire[16] et enfin, le Pilier 4 l’aide au développement[17].

La Coalition pour le Sahel permet de rationaliser les grands projets en apportant une plus-value de réseau et de conduite relative. Concrètement la sortie de la logique ensiloté permet de pouvoir cibler, en concertation, les zones prioritaires. Par ruissellement on pourra aussi envisager une mutualisation des moyens matériels et du renseignement ainsi qu’un drainage des flux de financement plus rationalisé. Du reste, de nombreux grands projets potentiellement très porteurs ne pourraient se poursuivre sans la présence militaire française et internationale : ligne ferroviaire Trans- sahélienne, interconnexion Tchad-Cameroun, Pipe-line Niger-Gabon, etc.

 

Et cela, dans une logique subsidiaire inter-organisations, interministérielle et internationale. La Coalition ne fait donc que regrouper des initiatives déjà existantes, dont l’Alliance pour le Sahel (projet franco-allemand regroupant 23 membres) dont la première assemblée générale s’est tenue le 25 février 2020. L’alliance pour le Sahel existe depuis 3 ans et gère 800 projets ($12 milliards, dont 800 pour la crise du Covid-19) dans des domaines très variés : éducation et employabilité des jeunes ; agriculture, développement rural et sécurité alimentaire ; énergie et climat ; gouvernance ; décentralisation et appui au déploiement des services de base ; sécurité intérieure…. Elle se coordonne également avec l’AFD qui de son côté gère environ 300 programmes uniquement au Mali, Niger et Burkina-Faso. Récemment l’Europe a encore investi dans la cadre du P3S près de 194 millions d’euros. On pourrait évidemment multiplier les exemples[18].

 

2.      La régionalisation des actions de l’AFD, précurseur du lancement de l’Alliance

 

Le groupe Agence française de développement (AFD) est un établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Le développement est l’un des trois piliers de l’action extérieure du pays, avec la diplomatie et la défense. La mission de cette dernière est de contribuer au progrès économique, social et environnemental des pays à revenus faibles et intermédiaires.

 

Concrètement, cette mission prend la forme de prêts, de subventions, d’expertise ou encore d’assistance technique. Ils sont accordés à des États, collectivités locales, entreprises, fondations ou ONG et permettent de réaliser des projets dans de très nombreux domaines : climat, biodiversité, énergie, éducation, urbanisme, santé, numérique, sport, formation etc.[19].

 

En effet, l’Alliance Sahel est passée de la réflexion conceptuelle à un embryon institutionnel. Elle s’est dotée d’une petite cellule de pilotage, l’Unité de coordination de l’Alliance (UCA) qui est pour le moment hébergée par l’AFD, et pour cause ; la création de l’Alliance Sahel est directement liée à la régionalisation et à la montée en puissance des actions de l’AFD au Sahel. L’agence de développement se voit dotée, sur la période 2017-2021, d’une enveloppe supplémentaire de 200 millions d’euros dans le cadre de l’initiative Tiwara, portant l’aide publique au développement française au Sahel aux alentours de 800 millions d’euros. Il s’agit d’un nouveau fonds « Paix et résilience » de l’AFD au bénéfice des cinq pays du G5 Sahel.

 

Avec l’ambition de mettre en place des procédures plus agiles et plus réactives, l’AFD cherche à obtenir plus de flexibilité dans une zone géographique où la situation est évolutive. C’est à ce titre que l’AFD a créé une cellule régionale basée à Ouagadougou autour d’un directeur régional, Philippe Chedanne, qui a pour mission d’harmoniser les actions de l’agence dans la région et d’identifier des projets à même d’être financés par l’Alliance Sahel.  Par ailleurs, un nexus Barkhane-AFD,  pourrait constituer un futur moteur de l’Alliance Sahel.

 

En effet, lors du Sommet du G5 Sahel, à Bamako, le 02 juillet 2017, le président Macron présentait l’Alliance Sahel comme étant « une coalition de partenaires volontaires motivés pour faire la différence au plus près du terrain », l’objectif étant de « trouver le moyen de mettre en place une aide rapide, y compris dans les zones les moins sûres, avec des résultats tangibles et perceptibles pour les populations concernées ». Le président français, à l’origine de cette initiative, prête une attention particulière à la perception qu’ont les populations locales sahéliennes de l’aide publique au développement de la France, et des bailleurs internationaux en général.

 

Ainsi, il explique que « tous nos efforts en matière de sécurité seront inutiles s’ils ne s’inscrivent pas dans un projet plus large de développement. Le lien entre sécurité et développement ne doit pas être martelé seulement dans les discours, il doit se matérialiser en actions concrètes. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui nos promesses ne sont plus entendues »[20] en matière de coordination des efforts de développement des bailleurs internationaux au Sahel.

 

Les importants moyens militaires déployés dans le cadre de l’opération Barkhane font de la France, un acteur incontournable pour envisager une opérationnalisation du nexus sécurité-développement. Cette volonté de leadership de la France est assumée par le président Macron, qui appelle de ses vœux une nouvelle méthode, permettant à « la France, avec ses partenaires africains, (de se mettre) en situation d’agréger l’aide multilatérale, l’aide d’autres puissances européennes pour être plus efficace ».[21] Il reste à savoir si tous les membres de l’Alliance sont prêts à travailler étroitement avec l’opération Barkhane ou plus largement les acteurs de la sécurité.

 

En outre, le soutien aux pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) est une priorité de la politique française de développement. Ces États font face à d’importants défis sécuritaires, économiques, sociaux (80 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour) et environnementaux. Mais ils disposent aussi d’atouts : agricoles, énergétiques ou encore humains, et notamment leur jeunesse (plus d’un habitant sur trois a entre 10 et 24 ans).

 

Au Sahel, le groupe AFD mobilise toute sa palette d’outils (subventions, prêts et garanties) pour appuyer le développement économique et social, lutter contre les fragilités dans les contextes de crise, et renforcer l’État central et ses représentations territoriales. Proparco, filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé, accompagne également le développement économique de la région. Expertise France est aussi de plus en plus sollicitée dans l’instruction et la mise en œuvre de projets du Groupe.

 

Pour apporter une réponse adaptée à des problématiques qui dépassent souvent les frontières nationales, l’AFD intensifie son action au niveau régional, en soutenant des projets multi-pays et en renforçant le dialogue avec les institutions régionales mobilisées au Sahel et dans la sous-région (UEMOA, CDEAO, G5 Sahel).

 

L’AFD intervient également en coordination avec l’ensemble des acteurs de l’équipe France et les autres bailleurs, notamment les membres de l’Alliance Sahel. Dans les contextes de crise, où il ne peut y avoir de développement sans garantir la paix et la stabilité, l’AFD intervient plus particulièrement en lien avec les acteurs français de la défense et de la diplomatie (approche 3D – défense, diplomatie, développement). Elle travaille également en étroite collaboration avec les organisations de la société civile française, internationale et locale[22].

 

L’AFD s’engage pleinement aux côtés des autres grands bailleurs du développement dans le cadre de l’Alliance Sahel, un partenariat lancé par la France, l’Allemagne et l’Union européenne avec le soutien de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et du Programme des Nations unies pour le développement, grâce à une mobilisation menée au niveau politique par notre diplomatie.

 

En effet, les actions financées par l’AFD correspondent effectivement aux priorités françaises, notamment l’éducation de base. Il faut dire que l’éducation au Sahel n’était pas une priorité affichée par les stratégies de la France. Cette priorité ne s’est dessinée progressivement que très récemment, répondant aux situations critiques rencontrées dans la région.

 

L’ensemble des concours pays et multipays s’inscrit dans la stratégie de la France d’appuyer les pays les moins avancés (PMA) en soutenant le secteur de l’éducation par l’APD (objectif 2 du plan d’orientation stratégique de l’AFD). Les actions sont alignées avec le cadre global d’action de la coopération française, que ce soit la politique de coopération, éducation, formation.

 

Par ailleurs, le soutien de la France aux différents projets multi pays portés par des ONG a ciblé des thématiques prioritaires telles que l’amélioration de la scolarisation des enfants vulnérables (APPEHL). Le soutien aux programmes régionaux IFADEM et ELAN s’accorde avec la politique générale de promotion du français et du développement de l’enseignement bilingue. Enfin, le soutien au pôle de Dakar de l’UNESCO et au PASEC de la CONFEMEN vise, pour l’un, à outiller et à renforcer les capacités des acteurs dans l’élaboration et le pilotage des politiques d’éducation, notamment de l’éducation de base, et pour l’autre, à accompagner les ministères de l’Éducation dans la mesure de la qualité des apprentissages (langue et mathématiques) des élèves de primaire.

 

Les modes d’intervention ont été variés, souvent justifiés par le contexte particulier des pays bénéficiaires. Malgré leur proximité géographique, la diversité des contextes économiques et institutionnels des pays du G5S a motivé le recours à des instruments de financement adaptés pour réduire les obstacles à l’efficacité de l’aide. Ainsi, le mode d’intervention de l’AFD au Tchad a consisté principalement en subventions prenant la forme d’aides projets. Le choix de ce mode d’intervention (aide projet) et de l’instrument choisi (subvention) a été motivé par la fragilité financière du pays et la difficulté du gouvernement tchadien à mettre en œuvre une aide budgétaire.

 

 Au contraire, au Burkina-Faso, au Mali et au Niger, un appui plus diversifié a été mis en place avec un recours conjoint de l’aide programme, de l’aide projet (ONG, projets multipays) et des expertises techniques pour répondre à des besoins diversifiés. Dans ces pays, le recours à l’aide programme a été un canal privilégié pour accentuer la synergie des financements et accroître le rôle des autorités nationales dans la gestion des fonds. L’aide projet et les ETI ont été utilisés pour répondre à des besoins spécifiques et ciblés. En Mauritanie, une approche conjointe a aussi été mise en place bien que l’aide programme ait concentré la majeure partie des fonds, avec une modalité de mise en œuvre spécifique à travers l’outil C2D[23].

 

Dans certaines situations difficiles, la France a initié des actions spécifiques pour répondre à des besoins nouveaux ou amplifiés par des éléments conjoncturels. Ainsi, au Mali, à la suite de destructions d’écoles dans le Nord, l’AFD a conçu un projet intégré mixant des actions à effet rapide (reconstruction d’écoles) et des actions s’inscrivant dans la durée (formation des maîtres).

 

Néanmoins, dans d’autres pays, les aléas du contexte politique et sécuritaire ont conduit l’aide française à s’adapter sans toujours pouvoir assurer une continuité de son intervention. C’est notamment le cas du Tchad où la situation de crise prend plusieurs formes : économique, politique, sociale et sécuritaire (mouvement insurrectionnel de Boko Haram dans la région du lac Tchad). Face à cette crise, l’aide a consisté en un ensemble de projets principalement axés sur le renforcement de capacités institutionnelles (appui à l’élaboration de stratégies en EDB) et techniques (renforcement de compétences en pilotage et apport d’équipements).

 

L’aide programme a permis, dans les pays où cette modalité a été mise en œuvre, de rendre parfois plus fongibles les ressources extérieures et les ressources nationales. L’utilisation de procédures nationales dans la mise en œuvre de l’aide a aussi permis de générer les conditions de l’appropriation des projets par les bénéficiaires. Cependant, l’efficacité de l’aide programme a varié selon les pays[24].

Dans les pays du G5 Sahel, le dialogue sectoriel à travers les cadres partenariaux a constitué un outil pertinent pour améliorer la cohérence et créer des synergies dans l’appui des différents bailleurs. Le haut niveau d’expertise technique de la France pour contribuer à améliorer les capacités nationales est largement reconnu par les bénéficiaires, qui saluent la France pour sa maîtrise des sujets éducatifs et la compréhension des contextes nationaux.

 

Pour les les PTF, la France, principalement par le biais de l’AFD, apparaît comme un acteur influent dans les cinq pays du G5S et l’appui au développement de leur système éducatif.

 

L’AFD occupe une place singulière et centrale par son double positionnement en tant qu’agence technique et banque de développement et du fait de l’ampleur de ses interventions sur le champ de l’EDB, comparativement aux interventions des autres acteurs français dans les pays. L’AFD est donc l’interlocuteur privilégié des autorités nationales et des partenaires techniques et financiers sur l’EDB. Elle participe aux différents cadres de concertation, voire les anime[25].

 

Le MEAE intervient en finançant l’aide multilatérale (contributions aux organisations internationales) et des actions bilatérales de soutien au français s’inscrivant dans les politiques éducatives des pays (projets FSP, expertise technique). Par voie de conséquence, les services de coopération et d’action culturelle (SCAC) sont moins identifiés comme un acteur important sur l’EDB par les interlocuteurs rencontrés dans les pays du G5S au cours de l’évaluation, surtout au niveau local. Le rôle du SCAC est différent, moins directement lié aux projets, et davantage impliqué dans le champ de l’enseignement supérieur, de la culture et du plaidoyer.

 

Les différents acteurs français (AFD, SCAC, ONG, collectivités locales) opèrent sur des axes différents, avec de nombreux partenaires et bien souvent dans des zones géographiques différentes. L’évaluation n’a relevé aucun doublon dans leurs interventions, mais n’a pas non plus permis d’identifier des synergies ou des effets de levier.

 

La qualité des relations entre PTF est bonne. En revanche, les PTF ne partagent pas forcément la conceptualisation et la mise en œuvre d’une approche sur l’EDB qui serait systémique et concertée dans les pays. Concernant l’appui à l’apprentissage et à l’utilisation du français en EDB, l’action de la France ne s’est pas non plus articulée autour des actions des autres PTF (UNESCO, Coopération suisse, Banque mondiale) sur les langues nationales, ces PTF ayant des agendas et des priorités différents, malgré les cadres partenariaux et de concertation[26]. A cela s’ajoutent d’autres initiatives diverses de coordination.

 

B.     Une forte densité de partenariats militaires

 

Au niveau interne, les pays du G5 Sahel ont mis en place un mécanisme de coopération militaire en l’occurrence la plateforme de coopération en matière de sécurité des pays du G5 Sahel (1). Par la même occasion, ont vu jour des partenariats robustes et intégrés entre la France et les forces militaires étrangères et internationales (2).

 

1)      La plateforme de coopération en matière de sécurité des pays du G5 Sahel (PCMS)

 

Le 21 mai 2014, à l’issue de la conférence des ministres de l’intérieur des pays du G5 Sahel à Nouakchott, a été créée la Plateforme de Coopération e matière de Sécurité (PCMS). Pour une coopération et des échanges accrus entre les Etats membres[27]. Elle a pour ambition la mise en œuvre d’un réseau d’échange d’information à caractère couvre d'un réseau intégré d'échange d'informations à caractère opérationnel et d'un cadre adapté de formation dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière organisée, le trafic des drogues, l'immigration clandestine, ainsi qu'un programme intégré de Gestion des frontières.

Elle vise aussi à mettre en réseau informatique sécurisé les différents services de Sécurité du G5 Sahel pour favoriser les échanges et la coopération sécuritaire. La PCMS est articulée en cinq plateformes Nationales et en une plateforme régionale qui en assure la coordination.[28]

 

Les Partenaires intervenant au niveau de la PCMS sont l'ONUDC[29] qui a financé et accompagné la mise en place des PCMS, la formation des personnes et l'achat des équipements y compris un logiciel de cryptage transitaire ; Interpol[30] qui fournit l’expertise à travers les BCN[31] et qui est en train d'installer le logiciel professionnel de communications ; l'UE qui à travers le projet d'appui au G5S aide à définir une stratégie intégrée de gestion des frontières. Outre cette plateforme, il y a également : le Collège Sahélien de Sécurité (CSS), le Centre Sahélien d’Analyse des menaces et d’alerte précoce (CSAMAP), les Groupes d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI), l’Académie de Police, le partenariat de coopération militaire transfrontalière (PMCT), le Collège de défense de G5 Sahel ainsi que la Force conjointe du G5 Sahel.

 

Le Collège Sahélien de sécurité est un ancien projet financé par l'UE au profit de trois Etats de la Région (Mali, Mauritanie, Niger) dans le cadre d'un programme dit « contre –terrorisme ». Après épuisement du programme et pour la continuité de son activité, il a été endossé par le G5 Sahel qui l'a élargi aux deux autres pays (Burkina Faso et Tchad) et la structure pour devenir un Collège fixe, avec Administration permanente et des formations qualifiantes et diplomates. Le financement de la nouvelle structure a été obtenu auprès de l'UE dans le cadre du projet d'appui à la Sécurité du G5 Sahel. Le Collège, installé à Bamako, a déjà pris sa vitesse de croisière et exécute son programme comme planifié.

 

En ce qui concerne le Centre Sahélien d’Analyse des menaces et d’alerte précoce, il est conçu pour être le cerveau de tout le système sécuritaire du G5 Sahel. Sa création a été décidée par la Conférence des Chefs d'Etats à Ndjamena le 20 Novembre 2015 et son implantation à Nouakchott a été décidée par le Conseil des Ministres en charge de da Défense et de la Sécurité tenu aussi à Ndjamena le 04 Mars 2016.

 

L'UNOWAS[32] a financé conjointement avec le Secrétariat Permanent du G5 Sahel l'étude des structures, du fonctionnement et de la mise en place du centre. Un bâtiment neuf et fonctionnel a été dédié par la Mauritanie au CSAMAP au sein du complexe militaire Mohamed Ben Zaed à proximité du Collège de Défense.

Quant aux Groupes d'Action rapide de surveillance et d'intervention. (GARSI), il s'agit d'un Programme qui vise à créer et former des unités d'élite de Gendarmerie destinées à agir rapidement discrètement et en profondeur du territoire sur les nids de terroristes et de trafiquants en conformité avec les lois et règlements. Le projet GARSI est financé par l’UE à hauteur de quarante millions d'euros et consiste à former et équiper au profit de chacun des Etats une unité de 100 hommes environs suivant les mêmes techniques, les mêmes procédures et dans le même esprit. Il s'agit d'améliorer l'interopérabilité et d'homogénéiser les procédures pour une Coopération accrue et éventuellement un soutien mutuel dans l'action antiterroriste[33].

 

S’agissant, de l’Académie de police, disposant d'une infrastructure neuve et adéquate à Ndjamena, la République du Tchad décidé de la mettre à disposition du G5 Sahel pour la création d'une académie régionale de police. Un point focal a été désigné à cette fin.

 

Concernant le partenariat de coopération militaire transfrontalière, il faut souligner que les pays du G5 Sahel ont signé une Charte de fonctionnement du Partenariat de Coopération Militaire transfrontalière le 04 Novembre 2015 à OUAGADOUGOU, avec l'aide de la France qui est en même temps signataire de la même Charte. Il s'agit pour les pays du G5 Sahel, avec l'aide de la France à travers l'opération Barkhane d'entreprendre des activités opérationnelles dans les zones frontalières en vue de les sécuriser et d'y encourager le retour et la quiétude des populations. Des comités de coordination opérationnelle (CCO) assurent la planification des Opérations et l'exécution est effectuée en commun entre deux ou trois armées sur les frontières communes[34]. A cela s’ajoutent d’autres partenariats notamment militaires régionaux et internationaux.

 

2)      Un partenariat robuste et intégré entre la France et les forces militaires étrangères et internationales

 

La coopération et la coordination des actions entre les pays du G5 Sahel et les différentes partenaires sont plus qu’indispensables. Il importe de souligner que la France joue un rôle non négligeable dans ce sens.

 

En effet, l’intensité des relations bilatérales militaires que la France entretenait au préalable avec les Etats membres du G5 Sahel a permis d’aboutir à la signature, en novembre 2015, d’un Partenariat militaire de coopération transfrontalière (PMCT) qui formalise un cadre technique de coopération entre les armées du G5 Sahel et l’opération Barkhane visant à faciliter la planification et la conduite des opérations militaires conjointes transfrontalières (OMCT). Grâce à l’appui de Barkhane, une vingtaine d’opérations de ce type, qui réunissent des unités de deux ou trois armées partageant un même espace transfrontalier, ont déjà été conduites à ce jour. Dans le cadre du PMCT, le Chef d’Etat-major des Armées français a participé, à plusieurs reprises, aux réunions du Comité « restreint Défense »[35].

 

En effet, les efforts diplomatiques déployés par la France, depuis le déclenchement de l’opération Serval, pour mobiliser ses partenaires européens ont débouché sur une intégration de moyens militaires estoniens et britanniques au sein de la force Barkhane qui bénéficiait déjà du soutien logistique de l’Espagne et de l’Allemagne. Suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait invoqué l’article 42.7 du Traité de l’Union européenne pour obtenir, de la part des États membres, un soutien militaire.

 

Par ailleurs, Barkhane est l’opération majeure des armées françaises par l’ampleur des moyens conséquents déployés[36] mais, surtout, les soldats déployés par la France ainsi que leurs partenaires africains sont conscients du rôle pilote que joue la France dans le cadre de la « division internationale du travail »[37].

 

L’objectif de la stratégie militaire française au Sahel est de réduire la capacité des groupes armés terroristes, à la portée des forces armées du G5, avec deux bras pour un même effet :

·         premier bras : se fixer un objectif atteignable, à savoir leur interdire de contrôler la région ; la mission est aujourd’hui accomplie.

·         deuxième bras : mettre en place des stratégies d’avenir[38] au sein et avec les armées africaines.

 

Par ailleurs, concernant l’engagement de la force Barkhane, lors du sommet de Nouakchott du 30 juin 2020, les Chefs d’Etats du G5 Sahel ont salué l’engagement des effectifs supplémentaires de la Force Barkhane au cours du dernier semestre et l’opérationnalisation du Mécanisme de Commandement conjoint facilitant la coordination entre la Force conjointe du G5 Sahel et la Force Barkhane.

 

 Ils se sont félicités de la reprise d’opérations soutenues dans la zone des Trois frontières, des succès enregistrés par les forces nationales, la Force conjointe et les forces internationales. En outre, ils ont salué la neutralisation du chef d’AQMI le 3 juin 2020 dans la région de Tessalit par la Force Barkhane et ses alliés[39].

 

Les États-Unis, fidèles à leur doctrine de « light footprint[40] » et du « lead from behind », ont immédiatement apporté leur soutien à la France, lui offrant des vols de transport stratégique, du ravitaillement en vol, ainsi que des renseignements obtenus par ses propres moyens d’Intelligence Surveillance Reconnaissance (ISR). L’une des priorités américaines dans cet espace tourne autour de la formation, l’équipement des armées. C’est ce qu’on appelle « BPC [41]».

 

Cette priorité répond au principe directeur de la stratégie américaine en Afrique, que l’on peut résumer par le slogan « solutions africaines aux problèmes africains », et, qui demeure l’objectif de long terme de la politique américaine[42].  Dans ce contexte, les Etats-Unis identifient cet espace comme une priorité sécuritaire.

 

Ainsi, la lutte contre le terrorisme peut-elle perçue  comme « une priorité plus américaine qu’africaine et ne vise pas exclusivement à atteindre les objectifs déclarés, car elle permet d’instaurer une domination américaine mondiale en s’appuyant sur les organisations régionales telles que la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou sous-régionale telle que le plus approprié aux finalités de l’Africom, à savoir le Comité d’état-major opérationnel conjoint CEMOC [43]». En plus de la préoccupation terroriste, les Etats perçoivent le Sahel par le prisme  de l’Etat failli et de la pauvreté des populations[44].

 

Quant à l’Allemand, pendant la décennie qui a précédé la « découverte de l’Afrique par l’Allemagne », en occurrence la période de 2004 à 2014, le continent a connu une attention mitigée. D’un côté, l’Afrique restait une région assez secondaire comme l’illustre le fait que la Chancelière Merkel n’ait entamé que deux voyages officiels pendant cette période. Pourtant, l’intérêt allemand pour l’Afrique s’est légèrement mais progressivement accru, notamment par la participation renforcée aux missions et opérations de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’UE. De ce point de vue, le « tournant africain » en cours est l’aboutissement d’un changement graduel porté depuis environ dix ans par des questions sécuritaires.

 

La chancelière allemande a progressivement accepté d’accéder aux demandes françaises d’un engagement plus conséquent de son pays[45], jusqu’à devenir, en novembre 2017, le premier pays européen contributeur de troupes (PCT) de la MINUSMA avec le déploiement d’un contingent de 593 militaires. Dès 2016, l’Allemagne avait envoyé deux avions Transall C-160 et un détachement de 30 aviateurs sur la base aérienne française de Niamey. Déployés en premier lieu pour les besoins logistiques de la MINUSMA et d’EUTM, ces moyens aériens avaient également été utilisés pour soutenir Barkhane, après un accord signé, le 6 avril 2016, entre Paris et Berlin. Afin de pérenniser leur engagement dans la région, les autorités allemandes ont, par la suite, décidé d’installer une base aérienne logistique permanente à Niamey (Niger) aux côtés des Français et des Américains. 

 

Le Royaume-Uni a décidé de déployer un détachement de trois hélicoptères lourd de transport CH-47 Chinook le 20 juillet dernier au sein de la Force Barkhane. Depuis le 20 juillet 2018, le détachement de la RAF de 93 aviateurs (pilotes, mécaniciens, logisticiens), basé à Gao, est intégré au Groupement Tactique Désert aérocombat (GTD-A). En octobre 2018, le détachement britannique avait déjà effectué 51 missions opérationnelles pour transporter 83 tonnes de fret et 1.155 militaires français[46].

 

S’agissant de la coopération MINUSMA – FC-G5S, il faut noter que le soutien de la MINUSMA à la FC-G5S est encadré par des résolutions du CSNU et s’est formalisé par un arrangement technique tripartite entre l’ONU, la G5 Sahel et la Commission de l’UE. L’objectif de cette coopération est d’« initier à Bamako des échanges permanents entre la MINUSMA et la FC-G5S, à travers la mise en place d’officiers de liaison, la participation aux points de situation respectifs, la création d’un groupe de travail sur la lutte contre les EEI, un appui à la construction des camps, une coordination dans les opérations et un partage d’expérience », me confiait un cadre la MINUSMA . 

 

Dans un premier temps, seul le partage ponctuel d’informations a été envisagé. Ainsi, dans sa résolution 2359 du 21 juin 2017, le Conseil de Sécurité des Nations unies (CSNU) « prie instamment la FC-G5S, la MINUSMA et les forces françaises de veiller, au moyen des dispositifs pertinents, à l’échange d’informations et à la bonne coordination de leurs opérations, dans les limites de leurs mandats respectifs, et prie de nouveau à cet égard le Secrétaire général de renforcer la coopération entre la MINUSMA et les États membres du G5 Sahel, y compris grâce à la fourniture à la MINUSMA de données de renseignement utiles et d’officiers de liaison issus des États membres du G5 Sahel. » 

 

Il fallut attendre quelques mois pour que la résolution 2391 du CSNU du 08 décembre 2017 précise la nature du soutien de l’ONU à la FC-G5S. Plusieurs options avaient été proposées par le SGNU, qui n’avait pas obtenu un très grand succès face à la menace de veto des États-Unis. Le CSNU prie le SGNU de conclure « un accord technique entre l’ONU, l’Union européenne et les États du G5 Sahel, en vue de fournir, par l’intermédiaire de la MINUSMA, un appui opérationnel et logistique spécial à la Force conjointe ». Cet arrangement technique tripartite qui sera signé, le 23 février 2018, prévoit un soutien logistique (eau de source, rations, carburant), un soutien en infrastructures (construction, ouvrages défensifs, abduction d’eau et électrique) et des évacuations aériennes médicales. Tous ces efforts de différents des pays du G5 Sahel sont à saluer et encourager pour un Sahel en paix.

 

D’ailleurs lors du conseil des Ministres des affaires étrangères du G5 Sahel tenu à Nouakchott le 15 avril 2020, les ministres ont souligné la nécessité d’une coordination plus poussée avec les partenaires en vue de maintenir la synergie et la dynamique des échanges en matière de coopération sécuritaire, sanitaire, économico-sociale et humanitaire. Dans cette perspective, ils ont salué l’idée de tenir une réunion, le 27/04/2020, par visioconférence, avec les ministres français M. Jean-Yves Le Drian et Mme Florence Parly, respectivement en charge des Affaires Étrangères et des Armées.

 

Les ministres ont souhaité que les relations entre le G5 Sahel et ses partenaires se renforcent et se développent en tenant compte de la vulnérabilité du sahel, menacé particulièrement par le terrorisme et confronté à de multiples défis, sanitaire, socio-économique, environnemental, humanitaire et de développement durable[47]. En outre, lors du sommet de Nouakchott du 30 juin 2020, les Chefs d’Etats ont salué l’engagement et le rôle déterminant de l’Union européenne en matière de conseil, de formation, d’équipement et d’infrastructures. Ces efforts sont valorisés et mis en cohérence dans le cadre du Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel (PSS).

 

Tout en saluant l’engagement et les apports des autres partenaires, notamment des Etats-Unis, les Chefs d’Etat ont insisté sur la nécessité de poursuivre et de renforcer l’appui en équipements des Forces de défense et de sécurité des États membres du G5 Sahel et de la Force conjointe. Ils ont également encouragé l’élargissement et la diversification des activités de soutien de tous les partenaires à tous les pays membres du G5 Sahel, y compris en matière de formation, en fonction des besoins et spécificités de chacun[48].

 

En outre, la coopération au niveau régional n’est pas du reste. En effet, en juillet 2018, juillet 2018 pour que la CEDEAO et le G5 Sahel signent une déclaration d’intention fixant les modalités de leur accord de coopération dans différents domaines. Les deux parties signataires ont souligné vouloir éviter les doublons et profiter des effets de synergie entre leurs deux organisations. Néanmoins, force est de constater que le G5 connait des multiples obstacles dans son ambition de faire de ce dernier un espace viable et prospère.

 


Suite, prochainement : l'échec du G5 Sahel ( les causes de sa dissolution).

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] AFD, 2017, Communiqué de presse, la France, l’Allemagne, l’Union européenne s’unissent pour créer l’Alliance pour le Sahel, accessible à : https://www.afd.fr/fr/Alliance-pour-le-sahel-France-Allemagne-UE .

[2] ALLIANCE SAHEL : Investir dans l’avenir du Sahel. Disponible sur file:///C:/Users/CBS/Downloads/alliance-sahel-dossier-presse%20(1).pdf .

[3]  Abdennour Benantar, Les initiatives de sécurité au Maghreb et au Sahel - Le G5 Sahel mis épreuve ; éd ; l’HARMATTAN ; 2019 ; p280 ; pp 128.

[12] La gravité de la crise que connait le Sahel, le sentiment d’urgence, l’importance des besoins nécessitaient une action plus forte, plus solidaire. C’est l’objet de la Coalition pour le Sahel. Donner une réponse plus collective aux défis de la région sahélienne, en rassemblant les actions conduites par les États du G5 Sahel et leurs partenaires internationaux. Ils forment ensemble une communauté d’intérêts mutuels, respectant les normes et valeurs des Nations unies. La Coalition ne se substitue pas aux processus décisionnels existants.

 

La Coalition pour le Sahel vise à faciliter la coordination et les interactions entre les différents volets de l’action internationale venant en appui des pays du G5. L’objectif est d’en faire à l’échelle régionale, une action cohérente, qui englobe l’ensemble des leviers et des acteurs impliqués au Sahel, qu’ils portent sur les questions sécuritaires, politiques ou de développement.

[14] L’objectif est de lutter contre les groupes armés terroristes en coordonnant l’ensemble des efforts menés par les armées africaines et la force conjointe du G5 Sahel (FCG5S) avec leurs partenaires – Barkhane, MINUSMA, Task Force Takuba – prioritairement dans la zone des 3 frontières (Mali, Niger, Burkina Faso). Face à une situation sécuritaire dégradée et à une possible extension de la menace au-delà des pays du G5 Sahel, il s’agit de créer les conditions nécessaires aux actions de stabilisation et de développement.

[15] Le Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel (P3S), initié par la France et l’Allemagne lors du sommet du G7 à Biarritz en août 2019, a pour objectif d’identifier les besoins en matière de sécurité et d’accroître les efforts en matière de défense et de sécurité intérieure.

Dans le cadre du P3S, le deuxième pilier de la Coalition vise à coordonner toutes les actions de renforcement des capacités de défense des pays du G5, notamment l’ensemble des offres de formation et d’équipements au profit des forces armées nationales et de la force conjointe du G5 Sahel (FCG5S), y compris les forces armées en charge de missions de police.

L’Union européenne apporte son soutien au G5 Sahel, notamment via la « Facilité africaine de paix » et la mission militaire de formation et de conseil stratégique EUTM Mali (dont le mandat a été renouvelé pour quatre ans au-delà du 18 mai 2020). La revue stratégique d’EUTM Mali a permis le renforcement du mandat et l’extension du périmètre géographique de la mission au Burkina Faso et au Niger.

[16] Dans le cadre de la dynamique de recensement des besoins prioritaires du Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel (P3S), ce pilier vise à coordonner l’ensemble des offres de formation et d’équipement au profit des forces de sécurité intérieure nationales (police, gendarmerie, garde nationale) et des prévôts de la Force conjointe du G5 Sahel. Le but est d’appuyer le renforcement de l’État dans sa dimension régalienne. Le renforcement de la présence de l’État nécessite également de reconstruire des capacités judiciaires et une administration territoriale des pays du G5, en agissant prioritairement dans les zones les plus fragilisées.

L’Union européenne apporte également son soutien dans le cadre du Pilier 3, via le Fonds fiduciaire d’urgence et les missions civiles de l’Union européenne (EUCAP Niger et Mali).

[17] L’aide au développement est actuellement coordonnée par deux dispositifs principaux : le G5 Sahel, cadre de coopération créé en 2014, et l’Alliance Sahel, lancée le 13 juillet 2017 par la France, l’Allemagne et l’Union européenne.

Le quatrième pilier a pour objectif de répondre aux défis en termes d’emploi, de pauvreté, d’éducation, de santé, d’infrastructures du Burkina, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.

Ces contributions sont portées par l’Alliance Sahel (23 membres dont 10 observateurs ; plus de 800 projets pour 11,7 milliards d’euros), en lien avec le secrétariat exécutif du G5 Sahel. Ce dernier facilite le recensement des activités, s’assure de la bonne coordination des actions, de la répartition des rôles et/ou des territoires. Ainsi il garantit l’efficience globale des actions de développement, en cohérence avec les volets politique, sécuritaire et militaire.

La mission de ce pilier consiste aussi à appuyer le retour des services de l’État et la décentralisation afin de renforcer le lien de confiance entre les autorités publiques et les populations.

[20] Discours d’Emmanuel Macron lors de l’ouverture du sommet de G5 Sahel, Bamako, 2017, accessible à : http://www.afriquedefense.com/2017/07/03/discours-demmanuel-macron-lors-de-louverture-dusommet-de-g5-sahel/ .

[21] Discours du président de la République française à l’Université Ouaga I, Ouagadougou, 28 novembre 2018, accessible sur : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/11/28/discours-demmanuel-macrona-luniversite-de-ouagadougou .

[23] Rapport d’évaluation de l'action de la France pour l'éducation de base dans les pays du g5 sahel. Disponible sur https://www.afd.fr/fr/ressources/evaluation-de-laction-de-la-france-pour-leducation-de-base-dans-les-pays-du-g5-sahel.

[24] Ibid. P29

[25] Ibid. P30

[26] Ibid.

[27] G5 Sahel, une initiative régionale pour une nouvelle architecture de paix ; Op ; Cit ; p111.

[28] Ibid ; 112.

[29] L’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime.

[30] L'Organisation internationale de police criminelle

[31] Bureaux Centraux Nationaux

[32] Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest ( United Nations Office for West Africa)

[33] Ibid. P113

[34] Revue semestrielle d’informations du G5 Sahel (février 2018). Disponible sur https://admin.g5sahel.org/wp-content/uploads/2018/01/images_Docs_G5_SAHEL_revue_N4.pdf .

[35] Nicolas Desgrais, « La Force conjointe du G5 Sahel, une initiative africaine d’appropriation de la gestion des conflits au Sahel. Disponible sur https://www.geostrategia.fr/la-force-conjointe-du-g5-sahel-une-initiative-africaine-dappropriation-de-la-gestion-des-conflits-au-sahel/ .

[36] Entre 4000 et 4500 hommes mettent en œuvre 7 avions de chasse, 20 hélicoptères et 400 véhicules blindés.

[37] G5 SAHEL, UNE INITIATIVE REGIONALE POUR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE ; Op ; Cit ; P152.

[38] Exit strategies.

[40] La doctrine de «  l'empreinte légère» selon laquelle les États-Unis ne prendront plus ouvertement la direction des opérations lorsque leurs intérêts ne sont pas directement affectés.

[41] Building Partner Capacity.

[42] G5 SAHEL, UNE INITIATIVE REGIONALE POUR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE ; Op ; Cit ; P183

[43] André Bourgeot, Sahara de tous les enjeux. Ed ; La Découverte ; 2011 ; P256 ; PP 49.

[44] Ayrton Aubry,   Le G5 Sahel. Le Nouveau Régionalisme Sécuritaire en Afrique du Nord-Ouest. Ed ; Harmattan ;2019 ; P 182 ; PP 58.

 

[45] Denis TULL : « La Coopération franco-allemande au Sahel : conséquences et perspectives du « tournant africain » de l’Allemagne », IRSEM, 2017, accessible sur :   https://www.defense.gouv.fr/content/download/512285/8635607/file/NR_IRSEM_n45-2017.pdf.

[46] Lagneau, L. « Les hélicoptères CH-47D Chinook britanniques ont déjà assuré 51 missions au profit de la force Barkhane », Opex360, accessible sur : http://www.opex360.com/2018/10/16/les-helicopteres-ch47d-chinook-britanniques-ont-deja-assure-51-missions-au-profit-de-la-force-barkhane/.

[47] Communiqué final du conseil des Ministres des affaires étrangères du G5. Disponible sur https://admin.g5sahel.org/wp-content/uploads/2020/04/images_Docs_Communique_final_V_3.pdf.

[48] Communiqué final du sommet de Nouakchott des chefs d’Etats de G5 du 30 juin 2020. Op ; Cit ; p5

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