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Le droit international de l'environnement en bref.



« La Terre entière est un seul être vivant à la recherche constante de son équilibre homéostatique[1]. » Le droit de l’environnement est par conséquent, est un droit commun de l’humanité.

Depuis quelques décennies, le droit de l’environnement est en train d’émerger et d’occuper une place importante dans la sphère juridique et scientifique contemporaine. En enrichissant les grands débats et les controverses juridiques sur l’environnement et le développement durable, il devient de plus en plus non seulement une priorité, mais également et surtout, une composante essentielle des politiques publiques des Etats et des organisations internationales[2]. Cette priorité est aussi partagée par d’autres acteurs devenus de nos jours incontournables tels que la société civile, le secteur privé et les collectivités territoriales.

Au-delà de sa nouveauté dans la science juridique et de ses relations fortement imbriquées avec les autres disciplines scientifiques naturelles et sociales, le droit de l’environnement est en train de connaître une évolution spectaculaire au rythme des transformations politiques économiques et sociales. Les législateurs nationaux font des efforts de règlementation et de codification en essayant tant bien que mal de s’adapter au nouveau contexte international caractérisé par les changements climatiques et l’exacerbation des conflits nés de l’usage et du partage des ressources de l’environnement.

Dans le même temps, la doctrine et la jurisprudence, longtemps considérées à tort comme des maillons faibles, contribuent à leur tour de manière laborieuse à cette émergence du droit de l’environnement[3].

Les principes et concepts qui constituent d’importantes bases théoriques de cette branche du droit ont stimulé et enrichi son développement[4] au cours des dernières années pour en faire une discipline moderne[5].

« L’environnement est le domaine dans lequel le traditionnel concept de souveraineté des Etats se heurte à une incontournable réalité : la globalité des phénomènes naturels. Les écosystèmes ignorent les Etats et leurs frontières. Pour lutter contre les atteintes à l’environnement, qui mettent en cause à terme la survie même de l’humanité, les Etats ne peuvent plus limiter leur action au cadre national. L’environnement a ainsi élargi le champ traditionnel de la diplomatie. Considérées comme marginales au début des années 1980, les questions environnementales ont pris une importance croissante, avec la prise de conscience que des problèmes globaux exigeaient des réponses globales (...) »[6].

Ces considérations sont au cœur du propos qui va suivre. Il apparaît en effet indiscutable que la globalisation des questions environnementales et les risques écologiques, forcément globaux, qui découlent des atteintes à l’environnement, voire même de sa destruction, représentent un défi aux systèmes juridiques qui reposent traditionnellement sur l’Etat[7] ; (crimes globalisés, flux immatériels financiers ou d’information, par exemple) ne facilite donc pas le dépassement de la logique interétatique et « on comprend qu’il soit difficile de faire admettre aux Etats la nécessité de construire, au nom de la protection du bien commun des peuples, une communauté politique globale fondée sur un principe juridique de solidarité et sur un principe politique de souveraineté partagée »[8].

La découverte de problèmes planétaires affectant l’environnement a indubitablement constitué un élément décisif qui a modifié la vision que l’on pouvait avoir de l’environnement[9]. Le droit international de l’environnement s’est trouvé alors confronté à « une dynamique de globalisation[10].

Par ailleurs, il faut d’emblée relever que les problèmes environnementaux ne sont pas nés avec l’essor de la civilisation industrielle. Toutefois, le droit de l’environnement n’a véritablement pris son essor qu’en 1960, en réaction à un certain nombre de catastrophes liées aux marées noires ou autres pollutions des mers, à la production d’énergie nucléaire et à l’industrie chimique.

Concernant les marées noires, même si des marées noires avaient déjà eu lieu lors des deux conflits mondiaux, le naufrage du pétrolier libérien Torrey Canyon, qui inaugure au large de la Grande-Bretagne la série des marées noires le 18 mars 1967, avec plus de 77 000 tonnes d'hydrocarbures déversées dans la Manche, allait frapper l'opinion publique.

S’agissant de l’industrie chimique, l'explosion de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d'ammonium dans l'usine pétrochimique AZF, le 21 septembre 2001 à Toulouse, a tué 31 personnes et blessé 2500 autres. Les dégâts matériels ont été estimés à environ deux milliards d'euros.

Enfin, en ce qui concerne la production nucléaire, le 11 mars 2011, un tsunami ravageait la partie nord-ouest de l'île d'Honshū, au Japon, faisant un nombre considérable de victimes, 18079 morts et disparus, des blessés et des destructions considérables. Situées en bord de mer, deux centrales nucléaires ont été touchées et celle de Fukushima-Daiichi complètement détruite.

La doctrine est constante sur un point : définir cette matière se révèle être une tâche particulièrement ardue.

Usuellement, le terme « environnement » est utilisé comme synonyme pour d’autres notions dont il se distingue pourtant, telles que l’écologie, les écosystèmes ou le cadre de vie.

Le terme environnement connaît une pluralité de définitions dépendant du domaine. Par conséquent, le champ d’application auquel cette notion renvoie est trop vaste.

L’environnement comme notion commune est l’ensemble de l’air, l’eau, le sol, les ressources naturelles, la faune et la flore, le paysage. Cela revient à considérer que le droit de l’environnement regroupe l’ensemble de règles intéressant la totalité de ces éléments qui nous entoure.

Le Petit Robert définit lui l’environnement comme l’« ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles les organismes vivants (en particulier l’homme) se développent ».

Pour la Cour internationale de Justice : « (...) l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépend la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir »[11].

La définition du droit de l’environnement se trouve également dans sa justification. En effet, ce droit est justifié par l’idée d’un droit pacificateur. Ensuite, une approche utilitariste liée aux préoccupations d’hygiène et de promotion de l’agriculture va également justifier des textes s’intéressant à l’environnement[12].

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’approche utilitariste dite « anthropocentrique » et celle qualifiée d’« éco centrique » vont se confronter. Aujourd’hui c’est une voie médiane, incarnée par le développement durable, qui explique la protection de l’environnement. En définitive, nous pouvons définir le droit de l’environnement comme l’ensemble de règles juridiques ayant pour objectif d’assurer la préservation de l’environnement mondial.

Le droit de l'environnement concerne donc l'étude ou l'élaboration de règles juridiques visant la compréhension, la protection, l'utilisation, la gestion ou la restauration de l'environnement contre perturbation écologique sous toutes ses formes - terrestres, aquatiques et marines, naturelles et culturelles, voire non-terrestres (droit spatial).

Le droit de l’environnement est un droit spécifique. Qualifiant le droit de l’environnement d’un droit original, le Professeur Raphaël Romi, dans un de ses ouvrages sur le droit de l’environnement dit plutôt que c’est un « droit contre » : le développement industriel incontrôlé, les catastrophes naturelles, technologiques et l’effet de serre. C’est un droit qui a une dimension universaliste : marqué par le phénomène de mondialisation et de globalisation.

C’est un droit transversal mais autonome : il est au croisement de plusieurs disciplines juridiques. Il est en interaction avec d’autres branches de droit. Il a un champ d’application vaste parce qu’il couvre une pluralité de secteurs ou d’activités[13].

C’est un droit technique et complexe : il est profondément marqué par sa dépendance étroite à la science et à la technologie.

C’est un droit à vocation finaliste : l’objectif majeur du droit de l’environnement est de contribuer à la meilleure protection possible de l’environnement.

C’est un droit qui présente la particularité d’être à la fois préventif et curatif : naturellement préventif, il est tourné vers l’avenir et mu par la volonté d’anticiper l’événement. En mettant en œuvre son rôle curatif, le droit de l’environnement est animé par la nécessité de réparer les erreurs du passé à travers ses fonctions répartitrices et répressives.

Le droit de l’environnement est également porteur de concepts qu’il développe et qui sont adaptés aux défis nouveaux que connaît la société. Nous pouvons citer à titre d’exemple : le concept de développement durable, le concept d’irréversibilité, etc. Il prend en compte plusieurs domaines comme la santé, le social, l’urbanisme, le respect des droits de l’Homme etc.

En effet, les dégradations de l’environnement, qu’il soit physique ou social, peuvent constituer des agressions pour la santé. La santé, apparaît ainsi, comme l’un des domaines de référence privilégié des problèmes de l’environnement. Des maladies à l’instar des maladies respiratoires aiguës comme la pneumonie, notamment, sont causées par les polluants de l’air, en l’occurrence du plomb et de l’oxyde de carbone. Le lien de causalité entre les problèmes d’environnement et des questions de santé publique établi par la communauté scientifique a amené les juristes à construire plus d’une réponse juridique. Ainsi plusieurs principes, que vous étudierez dans un prochain Module, ont été développés.

Le droit de l’environnement est un droit carrefour ayant une existence propre mais rayonnant sur d’autres droits dont il ne peut être isolé.

C’est le cas du droit de l’urbanisme qui peut être défini comme l’ensemble des études et des conceptions ayant pour objet l’implantation et l’aménagement des villes. Le droit de l’urbanisme régit l’affectation de l’espace qui ne peut être dissociée de la qualité du milieu défendu par le droit de l’environnement.

Avec l’avènement des villes durables, qui respectent les principes du développement durable, les projets d’aménagement urbains doivent, désormais, faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

L’article 3 de la Charte des Droits de l’homme et l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont proclamé le droit intangible de tout homme à la vie et à un milieu de vie sain.

Désormais, l’homme n’est plus conçu comme séparé de la nature et en rupture avec elle, mais il constitue un élément et l’aboutissement d’une longue évolution. Le droit de l’environnement est venu régler les rapports et l’équilibre entre l’homme et la nature. En effet, les droits fondamentaux de l’homme ne peuvent s’épanouir que dans un environnement sain.

C’est ainsi que ce droit a pour but d’empêcher, de supprimer ou de limiter les impacts négatifs ou dangereux des activités humaines sur les éléments et les milieux naturels. Il évolue en étroite dépendance avec l’évolution de la science et de la technologie. Une bonne gérance s’impose pour préserver la qualité de la vie et pour sauvegarder « les droits des générations futures ».

Le droit de l’environnement a plusieurs sources : les sources internationales, les sources internes, la jurisprudence…

il existe une multitude de conventions internationale. Et c’est principalement grâce à elles que petit à petit, secteur par secteur, le droit de l’environnement s’est développé. Il ne s’agira pas d’en faire une présentation exhaustive, ni même d’en considérer les principales, chacune ayant une signification particulière. Il existe aussi plus de 300 traités internationaux multilatéraux qui portent sur des problèmes qui concernent soit des régions entières, soit toute la planète, et environ 900 traités internationaux bilatéraux relatifs aux pollutions transfrontalières[14]

Les conventions à portée universelle : elles sont souvent adoptées lors de grandes conférences et signées dans le cadre des Nations unies et de ses institutions spécialisées. Exemple : La convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992.

Les traités régionaux : ils sont également nombreux et diversifiés :

  • Europe : la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement en 1998.

  • Afrique : la Convention africaine de Maputo du 11 juillet 2003 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles remplace la Convention d’Alger de 1968. La Convention de Maputo « modifie, substantiellement, la convention d’Alger afin de l’adapter aux nouvelles conceptions comme le développement durable ».

  • Amérique : la Convention de Washington de 1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amériqu

  • Asie : la Convention régionale de Koweït sur la coopération pour la protection de l’environnement marin contre la pollution de 1978.

  • Antarctique : il fait l’objet d’une protection particulière avec la Convention de Londres sur la protection des phoques de l’Antarctique de 1972, le Protocole au traité sur l’Antarctique sur la protection de l’environnement, signé à Madrid en 1991.

Les accords internationaux en matière d'environnement sont importants, puisqu'ils permettent à différents pays de travailler ensemble pour trouver des solutions aux enjeux environnementaux cruciaux ayant un caractère transnational ou mondial, notamment la pollution atmosphérique, les changements climatiques, la protection de la couche d'ozone et la pollution des océans.

En outre, le droit de l’environnement trouve aussi ses fondations au sein des ordres juridiques internes.

  • Les lois et les règlements : ce sont des sources importantes du droit de l’environnement car les questions liées à l’environnement y sont traitées de façon bien spécifique. Pour mieux cadrer avec les réalités actuelles en matière de défis environnementaux, ces textes de lois font l’objet d’un encadrement juridique progressif.

  • La constitutionnalisation du droit de l’environnement : depuis la conférence de Stockholm en 1972, la constitutionnalisation du droit de l’environnement est désormais réalisée dans la plupart des pays. Cette constitutionnalisation engendre de nombreuses conséquences importantes : par exemple, la clause constitutionnelle reconnaissant le droit à l’environnement est considérée, par plusieurs auteurs, comme une clause de non régression.

A cela s’ajoutent :

  • la coutume : elle ne semblait pas être une norme permettant la consécration de la norme environnementale. Elle a dû s’adapter dans son mode de formation pour devenir créatrice de normes environnementales. Dans l’affaire Fonderie du Trail (Canada c États-Unis) de 1941, par exemple, la juridiction arbitrale développe le principe d’abus de droit, qui sera repris de façon générale par la Cour en 1949 dans l’affaire Détroit de Corfou, « aucun État ne peut utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits des autres États »[15].l

  • la jurisprudence et le rôle du juge : la CIJ s’est intéressée à l’environnement dès 1949, avec l’affaire Détroit de Corfou, en posant le principe fondamental d’interdiction d’utilisation par un État de son territoire à des fins d’actes contraires aux droits des autres États.

Pour le juge national, le droit environnemental international est surtout pertinent quand il s’ajoute au corpus de lois nationales, par le biais de la ratification, l’incorporation ou la transposition. Pour résoudre un problème environnemental particulier, les juges doivent prendre en considération toutes les lois nationales et locales pertinentes. Leur rôle est fondamental, car il existe de nombreuses nuances subtiles des situations particulières qu’ils rencontrent dans des affaires individuelles.

  • la doctrine : elle ne crée pas directement le droit mais y contribue. Elle aide à la réflexion des juges

  • les actes unilatéraux des États : un acte unilatéral est une manifestation unilatérale de volonté imputable à l’État, produisant volontairement des effets de droit. L’État, auteur d’une déclaration unilatérale, ne peut se rétracter arbitrairement dès lors que cette déclaration crée une obligation juridique[16].

  • Les actes unilatéraux des organisations internationales : ils ne sont pas identiques aux actes des États. Un acte unilatéral d’une organisation internationale devra respecter la charte constitutive de l’organisation internationale

  • les traditions religieuses : les traditions religieuses du monde entier constituent une base pour le droit de l’environnement.

  • les communautés traditionnelles : ces communautés traditionnelles ont développé des savoirs pertinents pour la protection de leur environnement et de leurs ressources.

  • les principes de droit de l’environnement : ils constituent une catégorie de normes spécifiques.


[1] F. Ost, La nature hors la loi. L’écologie à l’épreuve du droit, La Découverte, 2003, p. 92 [2] Manuel pour la formation des magistrats africains : Emmanuel D. Kam Yogo, 2018, Manuel judiciaire de droit de l’environnement en Afrique. IFDD, Québec, Canada, 252 p. [3] Revue Africaine de droit de l’environnement, P11, N° OO 2013. [4] G. CANIVET, L. LAVRYSEN et D. GUIHAL, Manuel judiciaire de droit de l’environnement, Nairobi, PNUE, 2006, p. 27. [5] Guide méthodologique sur la mesure de l’efficacité des législations environnementales : Michel Prieur, 2018, Les indicateurs juridiques. IFDD, Québec, Canada, 188 p. [6] J.-J. Guillet, Rapport d’information n° 1669, sur « L’environnement, nouveau champ d’action de la diplomatie française », AN, Commission des affaires étrangères, 13 mai 2009, p. 5. [7] Sur cette question des risques globaux, v. not. M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit. Le relatif et l’universel, éd. du Seuil, 2004, not. p. 374 [8] M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit (III). La refondation des pouvoirs, éd. du Seuil, 2007, p. 14. [9] V. A. Kiss et J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, Pedone, 2004, p. 14 [10] La globalisation ne doit pas être confondue avec la mondialisation des échanges. En effet, comme l’a précisé R.-J. Dupuy, « dans sa forme présente, la mondialisation se double de la globalisation, laquelle exige le transfert au plan universel de problèmes qui, jusque-là, semblaient pouvoir être résolus par des accords conclus entre partenaires spécialement intéressés. Les Etats passent aujourd’hui de l’interdépendance à la commune dépendance qui les englobe dans une problématique d’ensemble (…) » (R.-J. Dupuy, « Le dédoublement du monde », RGDIP 1996, p. 313-321). [11] Voir CIJ, Avis sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, 8 juillet 1996, § 29. [12] Voir la convention de Paris du 19 mars 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture. [13] Une sous branche liée aux éléments composant l’environnement (droit de l’air, de l’eau, du sol) ; une sous branche liée aux activités humaines (lois réglementant la chasse, la pêche, l’énergie) ; une sous branche liée aux activités nuisibles ou polluantes pour l’environnement (droit des installations classées, droit des risques naturels ou industriels). [14] [15] C.I.J Détroit de Corfou, arrêt sur le fond, 9 avril 1949, Rec,.,C.I.J, 1949, p.4 [16] Voir C.I.J, Affaire Essais nucléaires, Australie c. France, 20 décembre 1974 §§ 51 et 53

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